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652 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
condiment est nécessaire sans aucun doute,
EMPLOI DU SEL MARIN DANS L’ÉCONOMIE
indispensable, si on le veut, à l’exercice de la
DOMESTIQUE.
fonction digestive, et indispensable à ce point
D’après des relevés récents, la répartition que sa privation entraînerait des digestions
des sels français entre leurs divers débou imparfaites, vicieuses, une assimilation in
chés, a présenté, pour la période de 1861 à suffisante, d’où résulteraient des maladies,
1865, les résultats suivants : et enfin la mort; mais il n’est rien autre
La consommation alimentaire a absorbé chose qu’un condiment, un excitant. Si, au
68 pour 0/0 de la récolte totale, lieu d’avoir à notre disposition ce condiment
La soude et les produits chimiques, 15 économique que la nature met, pour ainsi
pour 0/0, dire, sous notre main, nous trouvions, dans
Les salaisons, 7,9 pour 0/0, les mêmes conditions, de la moutarde, du
L’exportation, 16,3 pour 0/0. vinaigre, du poivre, du bétel, ou tout autre
Nous examinerons dans ce chapitre, l'em excitant culinaire, nos savants auraient dé
ploi du sel marin dans l’économie domes claré la moutarde, le vinaigre, le poivre, le
tique, le plus important de ses débouchés, bétel aussi indispensables à la vie que l’air et
d’après le relevé que nous venons de ci l’eau; et peut-être quelque chimiste eût-il
ter. doctorâlement démontré qu’il existe de la
L’emploi du sel marin dans l’économie moutarde dans notre sang, du vinaigre dans
domestique est connu de tous. Le sel est nos os, et qu’il est dès lors impérieusement
mêlé à nos aliments, et là se trouve la grande prescrit de remplacer cette substance dans
source de sa consommation. Mais il existe chez notre économie, à mesure qu’elle dispa
les savants une opinion qui nous paraît mal raît.
fondée quant au rôle de cette substance. On A nos yeux, le sel marin n’est donc rien
lit dans tous les ouvrages de chimie, d’hy autre chose qu’un agréable et utile excitant
giène et de médecine, que le sel marin est de la digestion. Cette assertion est, nous le
indispensable à la vie, au même titre que savons, de nature à choquer l’opinion re
l’eau et l’air ; si bien que priver de sel une çue, d’autant plus que cette opinion remonte,
réunion d’hommes c’est les vouer à la mort. comme nous allons le dire, aux premiers
On fait remarquer, à l’appui de cette asser temps de la civilisation humaine. Les an
tion, qu’il existe dans nos liquides du chlo ciens ne raisonnaient pas scientifiquement
rure de sodium, ou du moins ses éléments, leurs impressions, et chez eux, l’imagination
c’est-à-dire la soude et le chlore. De là, allait vite pour rendre hommage à ce qui
dit-on, l’impérieux besoin, pour l’écono paraissait bon et utile.
mie animale, de remplacer le chlorure de
sodium à mesure que les excrétions en C’est sous le bénéfice de ces réflexions que
privent les organes. nous allons rapporter les témoignages du
Nous ne croyons pas que le chlorure de véritable culte que les anciens avaient voué
sodium soit nécessaire à l’homme et aux ani au sel.
maux, comme corps constituant de nos tissus. Les Grecs plaçaient le sel au rang des
11 ne nous semble pas que ce soit à titre de choses consacrées aux Dieux. Homère et
substance assimilable que notre corps ré Platon appellent le sel un objet divin.
clame l’usage habituel du sel marin. Le sel Chez ces mêmes Grecs, au commencement
marin est tout simplement un condiment, de chaque repas, on offrait le sel aux Dieux,
c’est-à-dire un excitant de la digestion. Ce en les remerciant de leurs bienfaits. L’oubli