Page 11 - Decrets mars
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      des  conflits,  est-ce donc  se  montrer rebelle  envers  l'Etat que
      de  rejeter passivement des  exigences aussi vexatoires Y Il  n'est
      pas,  en  dehors des  moines,  un  seul  ciloyen  français  qui  se  fût
      plié à celte  tyrannique violation  de  toutes les  libertés publiques
                   1
      et individuelles  .
        Aux  yeux  de  tous  les  gens  honnêtes,  de  tous  ceux qui veu-
      lent  raisonner  sans  passion,  il  demeurera  incontestablement
      établi  que  les  décrets  de  mars  étaient  illégaux dans leur  ori-
      gine,  qu'ils  l'ont été dans  leur  mise  à exécntion,  qu'on  ne leur
      devait  aucune  obéissauce,  que,  bien  au  contraire,  on  faisait,

        1   Sous une législation  bien  faite,  a  dit  l\lontesquieu,  on  ne  peut
      attenter à un seul droit,  sans miner  d'un seul  coup  l'édifice entier
      de la« Loi."
        Constatons  à  l'honneur  de  la  législation  française,  mais  à la
      honte  de  ses  violateUŒ•,  que  les  décrets  du  29  l\lars  sont  en
      contradiction  flagrante  avec  tous  les  Droits  et  avec  toutes  nos
       lois:  c'est  la  consultation  de  1\1.  Fidernand  Nicolay,  avocat à  la
      cours d'Appel de Paris,  <1ui  taxe les  décrets de  :
        Contraires au droü naturel,  en  portant atteinte à la  «  liberté de
      conscience" et à la« liberté individuelle";
        Contraires au droit des  gens,  en  méconnaissant  les  convenlions
      du «Concordat" qui assure le libre exercice de la religion (art.  1);
        Contraires  au  droit  public  de  toutes  les  sociétés modernes,  à
      savoir  la  « séparation  des  pouvoirs"  (les  questions  de  liberté
      individuelle  et  de  propriété,  ressortissant  cxclnsivernent  aux
      tribunaux civils);
        Contraires à  notre droit constit1llionnet  qui  garantit  formelle-
      ment  l'  « inviolabilité  du  domicile  et  de  la  propriété "  ( art.  32,
      § 11),  la  « liberté  d'association"  (art.  8),  la  « liberté  d'enseigne-
      ment" (art.  9),  et prohibe la" confiscation" (art.  12);
        Contraires  au  droit civil,  soit en disposant  arbitrairement des
      «  propriétés» privées; soit  en expulsant des  "locataires" porteurs
      de baux réguliers; soit en dissolvant d'office des  «  sociétés civiles»
      constituées conformément aux lois ;
        Contraires  au  code  d'instruction criminelle,  en supprimant les
      garanties  de  l' "  instruction "  ;  en  faisant  grief  de  prétendues
      «  tendances  hostiles "  non qualifiées par le législateur et d'ailleurs
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