Page 10 - Decrets mars
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                  C'était de  plus  un  piége.  Nous  n'en  voulons  pour preuve que
                le sort de  la fameuse  déclaration  du  mois  d'Août,  obtenue,  par
                l'entremise  du  Vatican,  des  supérieurs  des  Congrégations
                religieuses.  Elle avait  été  jugée  sufllsante  par  le  conseil  des
                ministres  qui  avait  déclaré  par  l'organe  de  son  Président,
                M.  de  Freycinet,  que  le  gouvernement  français  regarderait
                cette déclaration  comme  un  équivalent de demande en autorisa-
                tion.  Quelques jours après,  au  mépris des  engagements  reçus
                et  de  la  foi  donnée,  tout  était  remis  en  question  et  M.  de
                Freycinet  tombait  du  ministère pour avoir osé  remplacer l'au-
                torisation  inacceptable  de  la  veille  par  une mesure plus modé-
                rée qui  écartait le conflit,  qui sauvegardait les intérêts de  l'Etat,
                mais  qui  avait  le  tort  impardonnable  de  ne  pas mettre à ses
                pieds l'indépendance et la dignité des congrégations religieuses.
                  C'était plus qu'un péril,  c'était plus qu'nn  piège,  c'était une
                vexation  immédiate  et  cruelle.  Peu  importait  aux  champions
                des sociétés secrètes,  en  ce  moment  au pouvoir,  que les moines
                se  déclarassent  respectueux  des  lois  et  des  droits de l'Etat!
                Ils n'ont pas coutume  de  s'en  embarrasser;  et,  du  reste,  ne
                forment-ils pas  eux-mêmes des  Associations non autoriséPs,
                plus dangereuses  mille  fois  pour la  tranquillité  des  peuples  et
                la solidité des  trônes'?  Ce  qu'ils  cherchaient  par-dessus  tout
                c'était l'humiliation du  catholicisme et l'asservissement  radical
                des  ordres  monastiques.  L'autorisation  exigée  n'était  auLre
                chose que  la fausse  clef de  toutes  les  portes des monastère;;  de
                France. Elle donnait au  gouvernement sm·  les  congrégatim;s  le
                droit  de  s'immiscer dans  toutes  les questions de  discipline  in-
                térieure,  d'économie  privée  et de  règlements génél'aux et par-
                ticuliers.  Les  moines n'étaient plus  chez  eux dès  l'instaut qu'à
                toute heure et sur le  moindre  prétexte ils  étaient contraints d'y
                introduire  un  agent  de  l'autorité civile qui serait venu exercer
                jusqu'au  deuaus  de  leur  i1111ueuble  et  de  leur  propriété  une
                surveillance  plus  minutieuse  que  la  police  pratiquée  dans  les
                cafés  et  autres  lieux  publics.  Tel  était le  véritable  esprit  des
                célèbres décrets rendus au  mois  de  mars.
                  Est-ce  donc  être  bien  difficile,  est-ce  créer volontairement
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