Page 22 - Bouvet Jacques
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ve et au curé du lieu. Dans cet état de détresse,
ces pauvres gens de glèbe défrichèrent trois cent
cinquante journaux de landes communales; mais
aussitôt ces terres, sous le nom de nova/es, furent
soumises à la dîme. Ces dîmes étaient, avec la
jouissance de quelques immeubles, toute la res-
source du clergé paroissial. Quoiqu'il fût lui-
même souvent à l'étroit, il rejaillissait sur lui,
de cet état de choses et de ce mélange d'intérêts,
une sorte de défaveur hostile, que les ennemis de
la religion eurent soin d'exploiter pour le déconsi-
dérer et le perdre.
Les villes surtout fourmillaient de jeunes gens,
artistes, littérateurs, qui ne rêvaient que réformes
et nouveautés ; les artisans, les ouvriers des cen-
tres populeux, bien qu'ils n'encombrassent pas,
comme de nos jours et en plein midi, les loges
maçonniques, ne laissaient pas de prêter une
oreille trop complaisante aux sirènes de la liber-
té; parmi les bourgeois et les nobles, tous n'étaient
pas aussi naïfs que M. de Maistre qui, dans un
moment d'exaltation juvénile, avait cru pouvoir
être à la fois pénitent blanc et carbonaro. On ne
tarda pas à voir que la génération lettrée, gangre-
née par le philosophisme irréligieux et anti-social
du xvme siècle, préparait la ruine des trônes et
des autels. - Déjà, dans quelques localités, des
troubles avaient éclaté, et la répression, inoppor-
tune et impuissante, n'avait fait qu'irriter les
mécontents et les conspirateurs. Toutes ces causes
réunies, comme des amas de matières inflamma-
bles, n'attendaient plus que l'étincelle pour pro-