Page 20 - Bouvet Jacques
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Pendant que tout prospérait au collège de Ru-
milly par les soins de M. Bouvet, la Société civile
et la république chrétienne étaient violemment
battues en brèche par un instinct forcené d'inno-
vation et d'émancipation. Aux Etats-Généraux
de 1789, oo venait d'ériger en principes et en droits
certaines aspirations généreuses, mais tournant
facilement à la subversion et à l'utopie. Pendant
soixante ans, le philosophisme avait prôné et
revendiqué la liberté illimitée de penser et d'écrire.
Comme terme pratique de ces libertés exagérées,
on s'apprêtait à prendre la liberté d'agir et l'on
touchait ~u temps, prophétisé par Voltaire, où
le Christ aura beau jeu. - Le mal social était in-
vétéré ; Louis XIV avait ruiné la France, la Ré-
gence et Louis XV l'avaient scandalisée ; les écri-
vains encyclopédistes l'avaient pervertie. Louis
XVI, malgré ses vertus et ses mesures libérales,
était incapable de remédier au mal.
En Savoie, les populations étaient demeurées
pacifiques et religieuses. Cependant, il existait
des institutions et des usages qui, bons et justes
) à l'origine, avaient subi certaines déviations ou
l
1 produit quelques abus, dont le résultat avait été
d'en compromettre le prestige séculaire. Les
dîmes, les terriers, les grosses, les privilèges étaient
tombés dans une véritable impopularité ; on ne
]es supportait plus qu'avec une impatience hos-
tile. Malgré tout ce que le clergé présentait de
vertus et de mérites dans la généralité de ses
membres, il en était quelques-uns qui faisaient
ombre au tableau; d'ailleurs une longue paix et