Page 21 - Bouvet Jacques
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                 les  soins  matériels de  la  vie sont peu favorables  à
                 l'esprit ecclésiastique;  quelques  Maisons  religieu-
                 ses  avaient  subi  des  relâchements  de  discipline;
                 la  noblesse,  trop  déshabituée  de  la  guerre,  éner-
                 vée  par  le  désœuvrement  et  le  philosophisme,
                 n'avait pas partout soutenu ses  traditions de  ver-
                 tu et d'honneur.  Au  milieu  de  cet état de  choses,
                 le  pauvre  peuple,  accablé  de  charges,  aspirait
                 naturellement  à  un  soulagement.
                   Il  est  vrai  que  Charles-Emmanuel  III,  devan-
                 çant la  France de  plus de dix ans dans la voie des
                 réformes,  avait,  par  ses  édits  de  1762,  1763  et
                 1771,  pris des  mesures et fourni  des facilités  pour
                 l'affranchissement général et pour l'extinction des
                 redevances  féodales ;  mais  on  ne  se  libérait  que
                 par des  emprunts faits  à la  Caisse  des  affranchis-
                 sements;  d'-ailleurs  les  autres  charges  subsis-
                 taient  encore.  Pour  s'en  faire  une  idée  par  un
                 exemple,  dont  nous  avons  nous-même  vérifié
                 l'exactitude  et  qui  est  un  spécimen  de  ce  qu'on
                 voyait  se  reproduire  partout,  prenons  la  petite
                 commune  de  Reyvroz,  sur  Thonon.  Ses  quatre
                 cents  habitants  étaient  tous  hommes-liges,  lail-     11
                 fables  à  miséricorde  des  seigneurs  de  Coudrée,
                 d'Antioche,  de  Ruphy,  etc.  Ces  pauvres  gens  ne
                 s'en  affranchirent  qu'en  empruntant  une  somme
                 de  12. 250 livres de  Piémont, somme énorme pour
                 l'époque et pour de  tels débiteurs.  Outre les  pres-
                 tations  féodales,  ils  avaient  encore  à  payer,  à  la
                 cote onzième,  la  dîme  de  toutes les  récoltes,  sauf
                 le  chenevis  et les lentilles,  à  l'abbaye d'Aulps,  à la
                 sainte Maison de Thonon, aux Seigneurs de Genè-
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