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La LIBERATION
I. LA MANŒUVRE
DE LA V. ARMÉE FRANÇAISE. (1)
’armée française avait l’ardent désir de
• délivrer les populations du bassin indus-
I triel du Doubs, dont le sort devenait
chaque jour plus tragique, et d'arriver
la première sur la terre alsacienne. L'opéra
tion fut préparée dans le plus grand secret.
Deux solutions pouvaient être envisagées :
ou passer à travers les Vosges, ou forcer la
trouée de Belfort. A cause de la neige qui-
'recouvre les cols, le général de Lattre se
décida pour la seconde, tout en sachant que
la tentative était extrêmement hardie, car
des moyens de défense considérables avaient
été accumulés dans le camp retranché et de
nombreux fortins, établis à la frontière suisse
tenaient sous leur feu la route d'Hérimôn-
court.
Par une feinte habile,, le commandant en
chef trompe le général allemand Wiese sur
ses véritables intentions. Il donne l'ordre au
général de Montsabert, qui dirige,le deuxième
corps d'armée, de maintenir dans les Vosges
une attitude agressive ; de grandes unités
blindées et de l’artillerie légère sont dépla
cées dans la région de Vesoul-Remiremont :
des fausses nouvelles sont lancées qui. par
venues aux Allemands par des canaux divers,
leur donnent une idée inexacte de la situa
tion. Pendant ce temps, de grandes concen
trations d'artillerie lourde s'opèrent' au con
traire dans la région du Lomont et la boucle
du Doubs ; puis, les deux nuits qui précèdent
l'attaque, les unités montées dans les Vosges
reviennent, tous feux éteints, vers le sud et
la division blindée du Vigier se masse der
rière le Lomont.
Le 14 novembre à midi, après un violent
tir de pièces de 155 et de 105 dont les obus
s'abattent sur des positions allemandes soi
gneusement repérées, le premier corps d'ar
mée du général Béthouart en face de Belfort
part à l'attaque. Le temps est épouvantable,
mais, malgré les rafales de neige et de pluie,
la 9e division d'infanterie coloniale du géné
ral M..., à droite, et la 2e division 'lu général
C..., avancent de cinq à six kilomètres.
Le général allemand Hoschmann, comman
dant la 338e division qui faisait, avec son
aide de camp, une tournée d’inspection en
première ligne, est tué. On trouve, à côté
île son cadavre, une serviette contenant non
seulement le plan du dispositif, mais un
carnet donnant les indications sur l’armement
des unités et la valeur des officiers.
Les 15, 16 et 17, l'attaque se poursuit. Hé-
ricourt, à l’aile gauche, tombe, tandis que,
forçant le verrou, le long de la frontière
suisse, les blindés du général du Vigier s'em
parent d’Hérimoncourt et, devançant les ren
Par une double opération menée avec une forts allemands, prennent le pont intact de
Delle. L eur consigne est simple : « A toute
audace inouïe, par la lre Armée Française dans la allure vers Altkirch et le Rhin ». Le 20, à
4 heures du matin, leurs premiers éléments
région de Belfort et par la 7* Armée Américai arrivaient au bord du grand fleuve, tandis
que d’autres se rabattaient vers Mulhouse.
ne renforcée de la 2" Division blindée (Division Pendant ce temps, Montbéliard, après de
violents combats de rues, succombait le 17.
Leclerc) dans la région de Sarrebourg-Saverne, La bataille du Doubs était gagnée ; le front
allemand était rompu, et le général de Lattre
la libération de notre Alsace vient d’être en liant étroitement l'exploitation à la rupture,
ne laissait aucun répit à l’adversaire.
Pris au piège, l’adversaire résolut cepen
grande partie réalisée, événement d’une dant de réagir vigoureusement. C’eut été
immense importance a un moment ou la France mal connaître l’ennemi que de lui attribuer
(1) Extraits d’un article de M Payot paru dans le
reprend pleinement sa place parmi les Alliés. Journal de Genève, et d’un communiqué des Services
de Presse au Ministère de la. Guerre.
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