Page 6 - aux armes_4
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La LIBERATION












                                                                                               I. LA MANŒUVRE
                                                                                                  DE LA V. ARMÉE FRANÇAISE. (1)
                                                                                                 ’armée française avait l’ardent désir de
                                                                                                •   délivrer les populations du bassin indus-
                                                                                               I   triel du Doubs, dont le sort devenait
                                                                                                   chaque jour plus tragique, et d'arriver
                                                                                               la première sur la terre alsacienne. L'opéra­
                                                                                               tion fut préparée dans le plus grand secret.
                                                                                               Deux solutions pouvaient être envisagées :
                                                                                               ou passer à travers les Vosges, ou forcer la
                                                                                               trouée de Belfort. A cause de la neige qui-
                                                                                               'recouvre les cols, le général de Lattre se
                                                                                               décida pour la seconde, tout en sachant que
                                                                                               la tentative était extrêmement hardie, car
                                                                                               des moyens de défense considérables avaient
                                                                                               été accumulés dans le camp retranché et de
                                                                                               nombreux fortins, établis à la frontière suisse
                                                                                               tenaient sous leur feu la route d'Hérimôn-
                                                                                               court.
                                                                                                 Par une feinte habile,, le commandant en
                                                                                               chef trompe le général allemand Wiese sur
                                                                                               ses véritables intentions. Il donne l'ordre au
                                                                                               général de Montsabert, qui dirige,le deuxième
                                                                                               corps d'armée, de maintenir dans les Vosges
                                                                                               une attitude agressive ; de grandes unités
                                                                                               blindées et de l’artillerie légère sont dépla­
                                                                                               cées dans la région de Vesoul-Remiremont :
                                                                                               des fausses nouvelles sont lancées qui. par­
                                                                                               venues aux Allemands par des canaux divers,
                                                                                               leur donnent une idée inexacte de la situa­
                                                                                               tion. Pendant ce temps, de grandes concen­
                                                                                               trations d'artillerie lourde s'opèrent' au con­
                                                                                               traire dans la région du Lomont et la boucle
                                                                                               du Doubs ; puis, les deux nuits qui précèdent
                                                                                               l'attaque, les unités montées dans les Vosges
                                                                                               reviennent, tous feux éteints, vers le sud et
                                                                                               la division blindée du Vigier se masse der­
                                                                                               rière le Lomont.
                                                                                                 Le 14 novembre à midi, après un violent
                                                                                               tir de pièces de 155 et de 105 dont les obus
                                                                                               s'abattent sur des positions allemandes soi­
                                                                                               gneusement repérées, le premier corps d'ar­
                                                                                               mée du général Béthouart en face de Belfort
                                                                                               part à l'attaque. Le temps est épouvantable,
                                                                                               mais, malgré les rafales de neige et de pluie,
                                                                                               la 9e division d'infanterie coloniale du géné­
                                                                                               ral M..., à droite, et la 2e division 'lu général
                                                                                               C..., avancent de cinq à six kilomètres.
                                                                                                 Le général allemand Hoschmann, comman­
                                                                                               dant la 338e division qui faisait, avec son
                                                                                               aide de camp, une tournée d’inspection en
                                                                                               première ligne, est tué. On trouve, à côté
                                                                                               île son cadavre, une serviette contenant non
                                                                                               seulement le plan du dispositif, mais un
                                                                                               carnet donnant les indications sur l’armement
                                                                                               des unités et la valeur des officiers.
                                                                                                 Les 15, 16 et 17, l'attaque se poursuit. Hé-
                                                                                               ricourt, à l’aile gauche, tombe, tandis que,
                                                                                               forçant le verrou, le long de la frontière
                                                                                               suisse, les blindés du général du Vigier s'em­
                                                                                               parent d’Hérimoncourt et, devançant les ren­
             Par une double opération menée avec une                                           forts allemands, prennent le pont intact de
                                                                                               Delle. L eur consigne est simple : « A toute
             audace inouïe, par la lre Armée Française dans la                                 allure vers Altkirch et le Rhin ». Le 20, à
                                                                                               4 heures du matin, leurs premiers éléments
             région de Belfort et par la 7* Armée Américai­                                    arrivaient au bord du grand fleuve, tandis
                                                                                               que d’autres se rabattaient vers Mulhouse.
             ne renforcée de la 2" Division blindée (Division                                  Pendant ce temps, Montbéliard, après de
                                                                                               violents combats de rues, succombait le 17.
             Leclerc) dans la région de Sarrebourg-Saverne,                                    La bataille du Doubs était gagnée ; le front
                                                                                               allemand était rompu, et le général de Lattre
             la libération de notre Alsace vient d’être en                                     liant étroitement l'exploitation à la rupture,
                                                                                               ne laissait aucun répit à l’adversaire.
                                                                                                 Pris au piège, l’adversaire résolut cepen­
             grande partie réalisée, événement d’une                                           dant de réagir vigoureusement. C’eut été
             immense importance a un moment ou la France                                       mal connaître l’ennemi que de lui attribuer
                                                                                                (1) Extraits d’un article de M Payot paru dans le
             reprend pleinement sa place parmi les Alliés.                                     Journal de Genève, et d’un communiqué des Services
                                                                                               de Presse au Ministère de la. Guerre.


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