Page 30 - aux armes_4
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Photo L.A. P.l



















































                 jusqu’à l’Ukraine. A l’intérieur, la bour­  Mais comment lutter? Comment pro­  tantes. Il faut évidemment à l’armée une
                 geoisie, très peu importante en Russie,   mettre la paix à l’armée et aussitôt la   préparation technique suffisante.
                 mais qui avait fait la première révolu­  lancer dans un nouveau combat ? Au dé­  En 92, les envahisseurs mirent des mois
                 tion, avec Kerenski, ne peut pas grand’   but ’e nouveau régime ne dispose que des   à s’ébranler laissant ainsi un précieux
                 chose contre la révolution bolchevik de   milices ouvrières, encadrées et formées   répit aux volontaires.
                 Lénine, mais la noblesse, très nombreuse   dans l’usine, et qui avaient fait la révo­
                 et influente et qui formait les cadres de   lution. Puis très vite, un miracle appa­  En Russie, les préihières troupes rou­
                 l'armée, offre une forte opposition, elle   rent se produit. Ces soldats démoralisés   ges cédèrent du terrain pour gagner du
                 groupe sur les frontières des armées   qui avaient quitté d’eux-mêmes leur régi­  temps.
                 contre-révolutionnaires, qui attaquent du   ment, vont reprendre volontairement la   En 70 au contraire, à peine formés, les
                 nord, de l’ouest, du sud et de l’est. Ces   lutte. Que s’est-il passé ? Ces hommes qui   Francs-Tireurs furent jetés dans de gran­
                 armées seront aidées, dès la fin de la   sont rentrés dans la vie civile se sont   des batailles contre des troupes aguerries
                 guerre mondiale, par des contingents   retrouvés au contact avec la réalité du   et en plein élan offensif.
                 alliés.                               champ ou de l’usine. Ils ont compris ce   Mais les conditions morales sont plus
                   Ces difficultés paraissaient insurmonta­  que le nouveau régime leur apportait   importantes encore : pour bien se battre,
                                                       pour le présent et plus encore pour l’ave­  une armée doit saisir pourquoi elle se
                 bles. Mais peu de gens connaissaient
                 aussi- bien l’histoire de France que les   nir. Ils ont vu leurs espoirs menacés par-   bat et la victoire ne doit pas signifier un
                                                       une coalition d’armées contre-révolution­  simple retour au passé, elle doit per­
                 révolutionnaires russes. C’est là que Lé­
                 nine et ses amis s’étaient instruits. C’est   naires et étrangères, la nouvelle guerre   mettre la continuation de la marche en
                 de ses leçons qu’ils avaient préparé leur   leur apparait juste. A côté des gardes-rou­  avant. C’est dans l’avenir et non dans le
                                                       ges l’armée rouge surgit. D’abord peu
                 action.                                                                    passé, qu’on trouve la force du sacrifice.
                                                       nombreuse, elle est obligée à des voyages   Il faut avoir la certitude que chaque sa­
                   Lénine savait qu’une révolution a be­  interminables pour faire face au danger.   crifice enlève un obstacle.
                 soin de cadres ; les cadres furent formés   Elle lutte dans des conditions encore bien
                 dans l’action illégale qui précéda la   pires que les volontaires français de 92.   Pendant la révolution française comme
                 guerre. Il savait aussi qu'une révolution   Mais l’esprit est le même, l’idéal révo­  pendant la révolution russe, c’est un
                 ne peut triompher que si elle sait pas­  lutionnaire est maintenu par les commis­  pays en pleine marche qui doit se dé­
                 sionner les masses sur son sort. Or, en   saires politiques, successeurs de nos re­  fendre. Dans les deux cas, l'idéal de la
                 1917, le peuple russe veut la fin d’un con­  présentants en mission, et en 1921, la   nation et l’idéal de l’armée se confon­
                 flit sans intérêt pour lui. Les ouvriers   Russie est libre : c’est-à-dire que son   dent. Cette union, condition de la vic­
                 russes ont des revendications précises,   territoire est libéré, et qu’à l’intérieur   toire, n’est possible que dans une marche
                 comme leurs camarades d’occident. Mais   elle a désormais la possibilité de pour­  en avant.
                 l’énorme majorité des Russes était for­  suivre sa révolution.              En 1944, libérer la France, c’est libé­
                 mée de paysans, extrêmement malheu­                                        rer son sol, c’est aussi rendre le peuple
                 reux sur des terres très insuffisantes                                     français libre de construire son armée
                 pour leur nombre croissant. Le pro­                                        comme il l’entend. D’ailleurs la France
                 gramme révolutionnaire sera dès lors   LES CONDITIONS DE SUCCES D'UNE      est peut-être le seul pays au monde qui
                 très simple : pour les soldats, la paix ;   GUERRE DE LIBERATION           puisse retrouver au plus profond de son
                 pour les ouvriers, la nationalisation des                                  passé la tradition de la lutte pour un
                 usines ; pour le paysan, la terre.     Les conditions matérielles sont impor­  avenir libre.
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