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On le vit bien lorsque les dangers se soldats. Et cette troupe supporte toutes force. Après 18 ans de dictature, il ne
précisèrent : le gouvernement fait appel les privations (20.000 hommes de l’armée représentait plus grand’chose, les esprits
à la Garde Nationale, mais celle-ci avait du Rhin sont sans souliers), la disci n'y étaient pas préparés, ne voyaient
un recrutement limité (car il fallait, pline (et pourtant les chefs sont élus). rien de précis dans l’idée républicaine.
pour entrer dans cette garde, s’équiper Leur idéal est une telle force que le Seule la population de Paris y avait
à ses frais). En fait, beaucoup de pau gouvernement, par l’amalgame essaie été sensible. Son sentiment de patrio
vres s’enrôlèrent, revendiquant le droit d’inspirer les restes de l’armée' régulière. tisme exaspéré se traduit par le soulè
d’être soldats alors qu’ils n’étaient pas Et partout il y a un tel élan, un tel vement de la Commune (dont le nom
encore des citoyens complets, et luttant esprit d’offensive et d’audace, que Car évoquait 93), mais la province ne com
pour une révolution qui pour eux était not peut renouveler tout l’art de la prit pas. Bismark comprit davantage
encore à faire. Et quand la Patrie fut guerre, et battre tous les ennemis. puisqu’il libéra avant la paix 100.000 sol
déclarée en danger, tous les Français Plus tard, cet idéal va s’obscurcir et dats pour dompter Paris. Libération
devinrent à la fols électeurs et soldats, même disparaître en apparence ; cela est manquée, révolution parisienne man
tant les sorts des réformes intérieures dû à l’attrait des conquêtes, au prestige quée.L’élan social de la France était
et de la liberté nationale sont liés. d’un général habile. De son côté, la na brisé pour de longues années.
C’est cette armée de volontaires qui va tion se désintéresse d’une armée qui ne
rencontrer l’armée mercenaire prus fait plus corps avec elle, et les combats IV. — L’élan* victorieux de la Russie So
sienne à Valmy. Deux mondes se heur n’ont plus de répercussion sur une révo viétique.
taient et ce fut la première victoire de lution stoppée par Napoléon. Pourtant, La Russie, après 1917, cumule les dif
la première armée nationale. Le 14 juil tet idéal n’est pas mort. Au moment des ficultés de la France de 92 et de 70...
let avait sauvé la Révolution au dedans, revers, quand la guerre revient en Quatre ans d’une guerre très meurtrière
Valmy, en libérant le territoire, sauve à France, Napoléon est tout surpris de re ont décimé l’armée, anéanti son esprit
nouveau la Révolution, et dès le lende trouver vivant l’esprit 89-93. Mais il combatif et achevé la ruine économique
main, dans une France rassurée, la Ré repousse cette offre du pays, qui se désin du pays. Malgré la signature de la paix
publique est proclamée. téresse dés lors du sort de l’empire et de avec l’Allemagne, les troupes allemandes
En 1793, la situation est redevenue très la guerre. La défaite est inévitable. ont continué leur avance de la Pologne
grave, plus grave même qu’en 1792, Mais cette première guerre nationale jusqu’à la Crimée. Les populations de
Sept armées ennemies envahissent la avait montré l’énorme force morale qui l’Ouest se soulèvent, depuis la Finlande
BERATION
France. Pendant ce temps, à l’intérieur, naît de l’union de la nation et de l’ar
c’est la vie chère, la disette, et de nom mée dans un idéal commun.
breuses régions se soulèvent, au point
que, pendant le « tragique été 93 », 2/5' III. — L’élan' manqué de 1870.
seulement des départements obéissent En 1870, les Français tentent le même
encore au gouvernement. C’est alors la sursaut de patriotisme et essaient de
levée en masse, la nation entière combat sauver leur pays au nom de la Répu
ou travaille pour la guerre, et, trois mois blique.
plus tard, toutes les insurrections sont A l’automne de 1870, la situation pa
écrasées, toutes les armées ennemies raissait désespérée. Un mois de combat
sont chassées et l’offensive victorieuse avait suffi pour faire disparaître l’ar
s’apprête à franchir les frontières. mée iïhpériale, anéantie, prisonnière ou
Quelle est donc cette armée capable de encerclée. Paris est bientôt investi.
tels exploits ? Elle est formée d’hommes C’est alors que le nouveau gouverne
ordinaires, venus de toutes les classes ment proclame la guerre de libération.
avec leurs qualités et leurs défauts. Ils Un immense effort groupe des centaines
ne sont pas toujours des héros ; des dé de milliers d’hommes qu’il faut, non seu
bandades et des paniques se produisent lement équiper et armer, mais instruire,
souvent ; ils ne sont pas de petits saints ; entraîner. Une seule chose peut donner
ils savent s’enivrer et piller, comme en une âme à cette armée, c’est l’idéal ré
Belgique Furnes. Mais ils ont tous un publicain. Gambetta s’y emploie, et mê
idéal puissant. Ils savent pourquoi ils se me des chefs non républicains, comme
battent, et ils ne s’intéressent pas seu Chanzy, se rendent pompte que le salul
lement à la vie de leur secteur, ils vi ne peut venir que de là, et prennent
brent à tous les progrès de la Révolution, loyalement parti. Par contre, Trochu,
dont ils voient constamment auprès par méfiance pour son armée populaire,
d’eux les délégués. Et après chaque dé ne tente rien de sérieux pour débloquer
faillance, le gouvernement ne se décou Paris, assiégé cependant par des troupes
rage pas, car il sait qu’en s’adressant à trois fois moins nombreuses, et la capi
l’idéal des troupes, il obtient tout ; les tulation de Bazaine à Metz, libérant les
les mêmes troupes qui s'étaient battues meilleurs soldats allemands, éntraîne la
et déshonorées à Furnes, se cotisent pour défaite française. En outre, le rôle du
rembourser leur pillage et prennent d’as matériel est beaucoup plus grand qu’en
saut le camp retranché de Maubeuge, 1792, et l’Allemagne est devenue une
dont le défenseur avait dit: « s’ils pren grande puissance industrielle.
nent Maubeuge, je me fais républicain ». Mais la défaite a aussi des causes mo
« Il le sera donc », avaient répondu les rales. L’idéal républicain manquait de