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lequel fut réalisée l’Ecole, cependant que l’article du Capitaine   Mais voici qu’à cette liste tragique, il faut ajouter d’autres
                  Rouillon traite plus particulièrement de la formation militaire.   noms : le Capitaine Poli, les Lieutenants Lalanne et Cazena­
                  Quant à la formation sociale et politique du futur officier, elle   vette, qui appartenaient à l’encadrement de l’Ecole F. F. L
                  est donnée dans l’esprit le plus large et le plus audacieux.   d Uriage viennent de tomber au champ d’honneur en accompa­
                  L’Ecole a commencé par rompre avec les fausses prudences et   gnant l’Ecole au front. Le Lieutenant Lalanne était un officier
                  les clauses de style qui sont de rigueur dans les vieilles institu­  parachutiste de l’Armée d’Afrique, tandis que le Lieutenant
                  tions. L’on y parle d’homme à homme un langage franc, et cha­  Cazenavette et le Capitaine Poli venaient des F.F.L Nous ne
                  cun est tenu de dire ce qu’il pense. L’Ecole a jugé qu’elle ne   les dissocierons pas dans notre souvenir et notre hommage, car
                  pouvait tenir au secret des hommes qui avaient pris les armes en   ils ont prouvé par un commun travail, par une commune mort qu’ils
                  volontaires pour la libération du pays. C’est pourquoi le pro­  servaient la même Armée et la même Frartte. Si nous parlons
                  gramme de l’Ecole comprend exposés et témoignages sur l’his­  davantage de Poli et de Cazenavette, c’est que nous les connais­
                  toire de la Résistance en France et hors de France, sur les pri­  sions mieux. Tous deux appartinrent à la première Ecole d’Uriage,
                  sonniers, sur l’évolution sociale pendant l’occupation. En outre,   qui fonctionnait sous la direction du Commandant de Segonzac
                  l’Ecole a jugé que le futur officier de l’Armée populaire ne   et qui devait fournir à la résistance tant de combattants et tant
                  pouvait ignorer les Révolutions du XXe siècle, et singulièrement   de martyrs. Tous deux à la dissolution de l’Ecole prirent le
                  ce grand mouvement d’émancipation des masses qui, lié au pro­  Maquis, et dès lors ne devaient plus se reposer jusqu’à la mort.
                  grès technique, pose le problème du monde nouveau. Nôus ne
                                                                            Cazenavette sortait de Saint-Maixent. Son entrain allié à une
                  ferons mieux à ce propos que de citer les phrases admirables de   extraordinaire pureté lui donnaient un ascendant qui faisait de lui
                  netteté que le Commandant Le Ray, chef départemental de l’Isère,   un maître meneur de jeux. A Chambéry en 1943 et I944, il
                  a prononcées lors de l’exposé qu’il fit à l’inauguration de l'Ecole :
                                                                          occupait une place dirigeante dans l’A.S. et y réalisait pratique­
                    « Je crois salutaire d’entreprendre à l’origine et tout au cours   ment l’union avec les F.T.P. Ce n’est que de justesse qu’il
                  du travail de formation une étude des grands problèmes posés par   échappa pendant l’hiver au raid des Allemands contre le Maquis
                  les masses, pour ï avènement à la conscience de catégories d’hom­  des Bauges. C’était un type d’homme admirable, plein d’allant
                  mes qui, jusqu’à ce jour, avaient subi, plutôt qu’agi. Nous n’avons   et de santé, d’une trempe qui a trop manqué à la France.
                  pas le droit de nous retrancher derrière les barrières protectrices
                  d’un sectarisme héréditaire. Il nous faut absorber l’étude de ces   Décoré de la Croix de Guerre, comme observateur aérien en
                  courants qui entraînent le monde, et parmi lesquels notre pays,   39-40, Poli fut un héros de la lutte clandestine. Il aurait ri si
                  car nous aurons un rôle à jouer. L Armée est fatalement l ins­  on le lui avait dit, car il apporta dans cette lutte une simplicité
                  trument d’une politique à l’intérieur et à l’extérieur. Le nier est   si totale et un tel détachement de tout l’être, qu’il nous ramenait
                 faire preuve de stupidité ou de mauvaise foi. Pourtant cette affir­  toujours par sa seule présence à la mesure humaine. Lui aussi
                  mation apparaît singulièrement révolutionnaire. Elle ne l’est que   était un homme de style, d’un style souple et souriant, teinté
                 parce qu’une incompréhensible timidité a prétendu cantonner le   d’ironie, parfois teinté de tristesse, toujours nourri de beauté et
                 militaire dans une inhumaine neutralité ou
                  dans une ignorance indigne d’un homme
                  libre. L’heure est Venue de déclarer bien
                  haut que, loin de vouloir descendre dans   CAZENAVETTE au premier rang à l'extrême droite conduit son équipe sur le stade d'Urlage lors du
                  l’arène politique, le soldat doit apprendre                           défilé du 1er août 1942 qui clôtura le stage de 6 mois.
                 quelles sont les données des grands mou­
                  vements qui agitent son pays, ce pays au
                 service duquel il se place exclusivement,
                  quel que puisse être son régime, pourvu
                 que ce régime sache faire place aux aspi­
                 rations légitimes du peuple ».
                   C’est dans cet esprit que des confé­
                 rences sont données sur les réalités révolu­
                 tionnaires (La crise — Le machinisme, ses
                 conséquences — nécessités de réformes de
                 structure), sur les tentatives et réalisations
                 révolutionnaires (fascisme, nazisme, com­
                 munisme, tentatives espagnoles et portu­
                 gaises, vélléités françaises) — que des té­
                 moignages sont faits sur l’évolution des dé­
                 mocraties anglaise et américaine, la Rus­
                 sie Soviétique, le christianisme et la Révo­
                 lution — qu’enfin de larges perspectives
                 sont ouvertes sur la nouvelle économie fran­
                 çaise, sur le rayonnement de la France dans
                 le monde, sur l’Homme nouveau.
                   Cependant ce qu’est Uriage, en son
                 fond, on ne saurait le définir par des mots.
                 C’est une atmosphère, c’est un style com­
                 mun, c’est une amitié, c’est un élan — et
                 c’est l’âme d'une révolution.
                   Ils l’ont bien senti, ceux qui, le 26 sep­
                 tembre, assistèrent à la Cérémonie d’inau­
                 guration de l’Ecole et entendirent les pa­
                 roles que prononça alors le Chef d’Esca­
                 drons de Virieu.
                   Son discours, qu'on trouvera plus loin,
                 devait être tout entier inspiré par le sou­
                 venir de nos morts. Parmi eux, il invoque
                 plus spécialement ceux qui avaient appar­
                 tenu au premier Uriage, Roger Fould,
                 Pierre "Genie, Raymond Dupouy.


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