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ditions.  Il  pouvait  emmener  ses  hommes  où  il  voulait.  La
              confiance  dans  le  chef,  voilà  la  force  des  armées,  et  non  pas
              la  discipline  d'abrutis!  Naudin,  qui  s'était  fait  mettre  en
              congé  de  maladie  (il  y  resta  pendant  6  mois)  s'employa  de
              toutes ses forces  à  soustraire les  jeunes réfractaires du  S.T.O.
              à  la police  vichyssoise.  Puis vint  le  travail  plus sérieux:  sabo-
              tages  du  dépôt  S.N.C.F.,  sabotages des  lignes  téléphoniques,
              et  mieux  encore,  exécution  des  agents  de  la  Gestapo.  Ce
              travail  n'était pas  de  tout  repos,  car  il  faisait  du  bruit ! Mais
              c'est  ça  qui  nous  a  redonné  courage:  ces  premiers  coups  de
              feu  qui  abattaient  ces  chiens  de  traîtres,  nous  ont  fait  res-
              pirer  plus  librement.
                 Dans  toutes  ces  expéditions,  Naudin  se  distinguait  par
              sa  folle  audace,  qui  n'avait  d'égale  que  son  calme  lorsque
              les  circonstances  l'exigeaient.  Le  travail  de  son  groupe  était
              toujours  étourdissant  de  brio  et  reflétait  un  rare  esprit  d'or-
              ganisation  et  de  décision.  L'attaque  des  magasins  de  « Jeu-
              nesse  et  Montagne »  à  St-Pierre-de-Rumilly,  le  15  octobre,
              par les  8°  et  3°  compagnies en  donne  une exrnllente  preuve.
                 Un  camarade,  douanier  de  son  métier,  est  habillé  en
              G.M.R.;  il  se présente à  la porte, sous prétexte de causer avec
              les  G.M.R.  qui  gardaient  le  dépôt.  La  porte  ouverte,  les  ca-
              marades  foncent,  neutralisent  les  policiers  et  chargent  sur
              les  camions  7  tonnes  de  vêtements  et  de  chaussures.  Le  ca-
              mion  de  Naudin  est  chargé  jusqu'au  toit,  il  reste  juste  assez
              de  place  pour  les  camarades  qui  sont  couchés  à  plat  ventre
              sur  la  marchandise.  Et  on  rigole:  quelle  farce  on  vient  de
              leur  jouer!  La  voiture  qui  porte  de  fausses  plaques  de  police
              de la Wehrmacht, prend le chemin du  retour.  A La-Roche-sur-
              Foron,  le  passage à  niveau  est fermé  et  surveillé  par les  gar-
              des-voies.  Un  camarade alsacien  leur  dit  d'ouvrir  en  allemand
              et  nos  G.V.  ouvrent  la  barrière  en·  vitesse  et  saluent  militai-
              rement.
                 Voilà  la  façon  d'opérer  de  Naudin  !  Il  ne  se  contentait
              pas de commander,  il  mettait  la  main  à  la pâte.  Et  quel  esprit
              de  sacrifice  ! Je  l'ai  vu  le  lendemain  du jour où  les  Allemands
              saccagèrent  tout  chez  lui.  Il  n'était  pas  abattu,  ne  désarmait
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