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DERNIERE LETTRE
DU COMMANDANT LOUIS MAZAUD!Ef<
FUSILLE A VIEUGY LE 5 JUIN 1944
Petite Maman, petite Licette, petit Pierrot,
Mes Chéris,
j'ai déjà essayé de vous faire sortir une lettre de ma pri-
son, je ne sais pas si elle a pu vous arriver, aussi j'essaie de
nouveau une autre tentative.
Ma situation n'a pas changé, i' ai été arrêté le 25 mai à
Annecy où je suis pour le moment incarcéré. f e sais que je
n'en sortirai que pour être fusillé, car l'on connaît exactement
mon activité et ma responsabilité dans la Résistance. J'ai été
vendu; on prend son parti de tout, même d'être fusillé. j'aurai
le courage, il m'en faut.
Du fond de ma cellule ma pensée vogue constamment vers
mes chéris. Je pense à mon petit Pierrot, que je chéris tant
et que je connais si peu. Je pense à la l'ie que nous aurions
menée avec toi, ma petite Licette adorée, auprès de notre
petit Pierrot, qui aurait grandi près de nous. Mais c'est un
bealt rêve qui ne se réalisera pas. Je pense à toi, petite ma-
man, je pense au chagrin que te causera ma mort. Poltrtant
ta vie n'aura pas déjà été si gaie, tu mérites un peu de joie
dans ta vieillesse, mais ayez du courage, sachez vous re-
monter; il m'en faut à moi pour vous quitter! J'aurais tant
aimé pouvoir vous serrer dans mes bras, tous les trois, avant
de mourir, mais je sais qu'il ne fallt pas y compter, et que
l'on n'accorde pas cette dernière joie.
Comme tant d'autres, j'ai donné ma vie à la France, ce
n'est pas un sacrifice inutile, j'ai ma confiance absolue dans
' l'avenir de la France.
Petite Licette, je te laisse notre petit Pierrot, je te demande
de l'élever comme je l'aurais fait moi-même. C'est là mon
vœu le plus cher. Fais-en un homme propre, qui sache faire
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