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sieurs  reprises  torturé  de  toutes  sortes,  en  partiwlier  avec
              un  nerf  de  bœuf  que  mes  bourreaux  appelaient  cyniquement
              « Marie-Rose ».  Celle-ci  me  mit  les  fesses  en  sang;  elles  sont
              actuellement  purulentes.  Nous  n'y  mangions  presque  rien  et
              on  nous  prenait  à  toutes  les  heures  du  jour  et  de  la  nuit.
              C'était  un  véritable  enfer.  La  Maison  d'arrêt  oit  je  suis depuis
              jeudi  fut  pour  moi  un  véritable  paradis.  Là,  je  trouvais  de
              J1éritables  amis  qui  me  donnèrent  à  manger  et  à  fumer  à  dis-
              crétion.
                 Maintenant  que  le  sort  en  est  jeté,  je  suis  en  cellule  avec
              quatre  copains  qui  sont  dans  le  même  cas  que  moi,  en  parti-
              culier  Arsène  Buffard  et  Jacques  le  Parisien.
                 En  ces  derniers  moments,  je  pense  beaucoup  à  Fous  tous,
              à tous  les  frères  et  sœurs,  belles-sœurs,  neveux  et  nièces  que
              j'aimais  tant.  Je  fais  une  mention  à  ma  chère  maman,  je  lui
              lègue  tout  mon  argenl pour  lui  éviter  de  travailler  dans  ses
              vieux  jours.  Prenez  bien  soin  d'elle.  Ne  la  laissez  jamais
              seule,  car  après  fa  mort  si  proche  de  notre  cher  papa,  voici
              mon  tour  et  il  est  probable  que  cela  lui  donnera  un  très  gros
              coup.  Cela  est  dans  mes  dernières  volontés,  ne  l'abandonnez
              pas  un  seul  instant,  ma  pauJ1re  maman.  Je  sais  que  vous
              aurez tous  un  chagrin  indéfinissable,  et  que  le  coup  sera  dur.
              Quant  à  moi,  j'ai  un  courage  formidable.  j'aurai  sur  le  cœur
              la  photo  de  mon  cher  papa.  Elle  ne  me  quittera  pas.  j'irai
              bravement  le  rejoindre  et  je  tiens  si  possiblP,  à  être  enterré
              à  La  Roche,  cimetière  de  mon  village  natal.  Dans  mes  der-
              nières  volontés,  je  l'exigerai  et  je  veux  être  sépulturé  comme
               papa,  c'est-à-dire  civilement.  Encore  une  fois,  pendant  ces
              dernières  heures  de  ma  vie,  }e  pense  à  tous  mes  êtres  chers
               qui m'adoraient et que  j'aimais,  à tout ce  que j'aimais et admi-
               rais  autour de  moi.  Mon  fourbi  de  pêche,  je  le  donne  à  Geor-
               ges.  Allez,  je  vous  dis  adieu,  pour  la  dernière  fois.  Adieu  à
               tous  mes  amis,  Adieu  maman,  Adieu  tous.  Prenez  courage,
               j'ai  confiance.  ADIEU.
                  Celui  qui  fut  et  sera  toujours,
                                                   Votre  JEAN
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