Page 6 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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2                     MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                quels seulement, au Moyen âge, on avait ad­  couvert, par les efforts réunis de Scheele, de
               joint le soufre et le mercure.             Priestley, de Baume et de Lavoisier. A peine
                  Au xvii' siècle, l’eau était donc toujours   l’oxygène était-il isolé, que Lavoisier en fit
                regardée comme un corps simple. 11 y eut,   la longue et magnifique étude qui excitera
                au milieu du siècle suivant, de longues dis­  toujours une profonde admiration pour son
                cussions et d’interminables expériences sur   génie. Lavoisier avait examiné l’action de
                la prétendue conversion de l’eau en terre.   l’oxygène sur tous les corps que l’on connais­
                En faisant bouillir pendant des mois en­  sait à cette époque. Son action sur l’hydro­
                tiers, de l’eau dans des vases de verre, on   gène devait être étudiée par lui avec un soin
                observait un dépôt pulvérulent, terreux.   tout particulier. On comprend, en effet, quel
                Ce dépôt n’était autre chose que de la silice,   immense intérêt ce grand chimiste avait à
                c’est-à-dire une des matières constituantes   connaître le produit résultant de la combi­
                du verre ou de la porcelaine, que l’eau avait   naison de l’hydrogène avec l’oxygène. En
                enlevée au vase même, pendant une ébulli­  vertu d’une idée théorique à laquelle il
                tion aussi prolongée. Cette explication nous   tenait beaucoup, et qui régna dans la science
                paraît bien simple aujourd’hui ; mais les   tant que durèrent le prestige et l’autorité de
                chimistes de ce temps, en l’absence de tout   son nom, Lqvoisier croyait que l’oxygène for­
                principe et de toute base théorique, étaient   mait des acides en se combinant avec tous
                incapables de saisir un fait qui nous paraît   les corps. On sait que d'après son étymolo­
                aujourd’hui si clair. Les plus grands chi­  gie, le mot oxygène signifie engendre-acide
               mistes du xvme siècle discutèrent pendant   (du grec oljùç, acide, et yewâw, j’engendre).
                vingt ou trente ans sur ce sujet, sans pouvoir   Assurément rien n’est plus faux que cette
                s’entendre, et sans que la question fît un   idée ; mais les chimistes de l’école de Lavoi­
                pas. Ce fut Lavoisier qui trancha le diffé­  sier voyaient ainsi les choses. Partant de ce
                rend, en mettant hors de doute la prove­  principe, Lavoisier ne doutait pas que le
                nance de la matière terreuse que l’on re­  produit de la combustion de l’hydrogène
                cueillait pendant la prétendue conversion   par l’oxygène ne fût un acide. Il croyait que
                de l’eau en terre.                        l’hydrogène brûlé par l’oxygène donnerait
                  Mais ce n’était là qu’un incident sans   de l’acide sulfurique.Un de ses collaborateurs
                importance. La grande question était de sa­  ordinaires, Bucquet. croyait que le produit
                voir si l’eau était un corps simple ou un   serait de l’acide carbonique. Il fallait donc
                corps composé, et dans ce dernier cas, quels   faire au plus tôt l’expérience, c’est-à-dire
                étaient les éléments de ce corps composé.  déterminer le produit qui prend naissance
                  C’est à l’année 1781 que l’on peut fixer la   par suite de la combustion du gaz hydrogène
                date de la découverte de la composition de   par l’oxygène.
                l’eau, date qu’il faut inscrire parmi les   Cette expérience, il faut le reconnaître,
                grandesétapes du progrèsde l’esprit humain,   avait été déjà faite, et l’on avait même re­
                car ses conséquences dans la science et les   cueilli le produit de la combinaison de lhy-
                arts furent incalculables.                drogène par l’oxygène, c’est-à-dire de l’eau.
                  La découverte rationnelle de la composi­  Mais ce n’est pas tout que d’observer un fait,
                tion de l’eau appartient à Lavoisier; elle fut   il faut en comprendre la signification, il faut
                la suite et la conséquence de la découverte   en interpréter les résultats, il faut que
                de l’oxygène, qu’elle suivit de près.     l’esprit féconde par le raisonnement et l’in­
                  Le gaz hydrogène était connu depuis assez   duction, le phénomène brut que l’on a sous
                longtemps lorsque le gaz oxygène fut dé­  les yeux. Plus d’un chimiste, avant Lavoi-
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