Page 80 - Les merveilles de l'industrie T1
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                    au verre une grande pureté. La forte propor­  Abordons maintenant la description du
                    tion de silice qu’il contient lui communique   travail du verre dans les verreries de la Bo­
                    une très-grande dureté, et diminue de beau­  hème.
                    coup sa fusibilité. Aussi les verres de Bo­  Le mérite des ouvriers de ce pays consiste
                    hême se prêtent-ils, mieux que tous les au­  dans l’économie avec laquelle ils travaillent
                    tres, à recevoir des décorations au feu de   le verre. Dans aucune usine de France, d’An­
                    moufle. Comme le faitremarquer M. Péligot,   gleterre ou de Belgique, on ne voit une perte
                    les verres allemands résistent bien mieux à   si faible provenant des déchets de la fabrica­
                    l’action du feu que les verres français. Les   tion.
                    chimistes français qui se plaignent que les   Chaque atelier ne se compose que d’un
                    tubes de verre qui servent aux analyses orga­  souffleur et de son aide. Rien de plus simple
                    niques, résistent mal à l’action de la haute   que l’outillage de cet atelier. Voici en quoi
                    température qu’on est obligé de leur faire   il consiste:
                    subir, auraient donc avantage à faire fabri­  Plusieurs cannes, plus légères que celles
                    quer ces tubes avec le verre de Bohême.   qu’on emploie en France;—quelques-unes
                      La silice employée en Bohême pour la fa­  de ces tiges de fer pleines qu’on désigne dans
                    brication du verre est très-pure. Elle pro­  les verreries françaises sous le nom tepontils;
                    vient d’un quartz hyalin qui est roulé par les   — un baquet plein d’eau surmonté d’une
                    torrents, ou de fragments que l’on rencontre   sorte de fourche pour y reposer la canne; —
                    mêlés à la terre végétale. La variété de quartz   une auge destinée à contenir les débris de
                    dit enfumé est celle qui donne la silice la   verre ; — une table de marbre pour parer le
                    plus pure. Pour concasser cette pierre dure,   verre; — une palette de bois à surface con­
                    on la soumet à l’action de la chaleur dans des   cave qui sert à façonner les objets; — des ci­
                    fours spéciaux ou dans les arches qui sont   seaux, pour couper les bords des pièces façon­
                    chauffées par la chaleur perdue des fours de   nées; — des pinces, des compas, des moules
                    fusion. Lorsqu’elle a atteint la température   en bois, en métal ou en terre.
                    rouge-cerise, on la retire du four et on la   Les moules de bois sont propres aux ou­
                    projette dans l’eau froide et courante. Cette   vriers de la Bohême. Ils en font usage, de
                    opération, qu’on appelle étonner le quartz, a   préférence aux moules de fer, qui ont l’incon­
                    pour but de le rendre friable et de faciliter  vénient de rayer le verre. Un moule de bois
                    sa pulvérisation. Le quartz étonné et refroidi   s’use, il est vrai, beaucoup plus vite, mais
                    est trié, et l’on reporte au four les gros mor­  on a bientôt fait de le remplacer. Quand les
                    ceaux qui n’ontpas été suffisamment étonnés.   verriers bohémiens se servent de moules en
                    Le reste est concassé en petits fragments,   terre, ils ont soin de les saupoudrer intérieu­
                    dont on sépare les parties parfaitement blan­  rement de résine. La combustion que fait
                    ches pour la fabrication des verres fins. Les   éprouver à cette résine le verre incandescent,
                    morceaux qui contiennent la moindre parti­  produit une couche de charbon et une atmo­
                    cule d’oxyde métallique, sont mis de côté;   sphère de gaz qui neutralisent l’effet des
                    on se sert de leur poudre pour user et façon­  aspérités intérieures du moule.
                    ner le verre.                               Voyons maintenant le verrier bohémien à
                      Le quartz, étonné et trié, est réduit en pou­  l’œuvre. Suivons,par exemple, la fabrication
                    dre dans des mortiers de bois, avec des pi­  d’une chope à bière. Nous y trouverons la
                    lons en quartz, pour éviter d’introduire dans   preuve de ce que nous disions plus haut sur
                    le mélange des parcelles de métal qui com­  l’économie du travail chez le verrier bohé­
                    muniqueraient au verre une coloration.    mien.
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