Page 81 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL. 75
Après avoir cueilli au bout de sa canne Dans les petites usines, le recuit des
une certaine quantité de verre dans le creu 1 objets a lieu d’une façon toute primitive. On
set, l’ouvrier le pare sur la plaque de mar place dans des pots cylindriques en argile, de
bre, puis il le souffle en une boule, qu’il 15 centimètres d’épaisseur, de 40 centimètres
arrondit avec sa palette. Après cela, il l’étire de diamètre et de 50 centimètres de profon
de façon à lui donner la forme d’une poire, et deur, les pièces façonnées par le verrier. Ces
il l’introduit dans un moule en bois, dont il pots sont poussés dans l’arche du four de
lui fait prendre exactement la forme en souf fusion. Au bout de quelques heures, on les
flant fortement dans sa canne, et en lui im retire de ce réduit chaud, et on les laisse re
primant un mouvement de rotation entre ses froidir dans un coin de l’usine, après les avoir
mains. recouverts d’un couvercle qui retarde un peu
Au sortir du moule, la pièce présente la le refroidissement.
forme C (fig. 54). L’ouvrier en détache sa En cet état, les chopes présentent un bord
canne en touchant avec un fer mouillé l’ex inégal et coupant, qu’on fait disparaître à la
trémité de cet outil. meule. Les bords des chopes complètement
11 s’agit maintenant de couper la bouteille terminées sont à arête vive, et dès lors, moins
qu’on a ainsi obtenue à une distance du fond solides que les bords arrondis au feu, comme
plus ou moins grande, suivant la hauteur on les obtient dans les verreries françaises.
que l’on veut donner à la chope. Cette cou- Cela tient à ce que les verriers allemands
ne veulent pas se servir du pontil. Pour
réchauffer le col de la chope, il faudrait sou
der au fond un pontil portant à son extrémité
un bouton de verre pâteux ; puis, user à la
meule ce verre qui forme au fond de la chope
une arête tranchante qui y demeure lors
que le pontil en a été détaché. Les ouvriers
bohémiens suppriment cette partie du tra
vail ; mais c’est, on le voit, aux dépens de la
1 bonne qualité du produit.
« La manière de travailler des Bohèmes
1 économise tellement la matière vitreuse,
! dit M. Péligot, que le déchet ne représente
que le quart du verre fondu, tandis que, dans
les cristalleries où l’on fabrique de la gobe-
Fig. 54. — Manière de faire une chope de verre letterie fine, il peut atteindre jusqu’à la moi
de Bohême. tié de la contenance du pot. »
pure se fait de la façon suivante. Sur une barre Ces déchets, comme nous l’avons vu, por-
de ferrougie, D, contournée en demi-cercle à j tent le nom de groisil, et sont destinés, en
son extrémité, l’ouvrier tourne la pièce sui plus ou moins grande quantité, à être ajoutés
vant une circonférence entière; puis, tou au mélange qui sert à la fabrication du verre.
chant, avec son doigt mouillé, l’un des points
chauffés, il provoque en ce point la formation L’industrie verrière existe en Autriche,
d une fente, qui se continue circulairement. mais elle y est peu importante. La Bohême
La chope formée de cette manière est por compte à elle seule plus de 160 établisse
tée au four à recuire ments, dont 70 sont destinés à tailler les ob-