Page 84 - Les merveilles de l'industrie T1
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78 MERVEILLES DE L’INDLSTRIE.
qu’à une seule espèce de verre : celui qui ren on obtenait ainsi du verre de moindre qualité
ferme du silicate de plomb, et qui doit à ce etqui était toujours coloré. C’est alorsque vint
silicate de plomb un brillant, un éclat, une l’idée d’employer, au lieu d’un fondant alca
pureté, une transparence, qui n’existent pas lin, le minium (oxyde de plomb) qui rend in
dans le verre ordinaire. En effet, le silicate finiment plus fusible le mélange vitrifiable.
de plomb préparé avec du sesquioxyde de Le verre obtenu avec l’oxyde de plomb était
plomb (minium) et de la silice pure, est une parfait. Il était d’un blanc pur, d’un éclat
matière très-fusible qui, refroidie, est transpa magnifique, et il réfractait la lumière avec
rente, et réfracte la lumière avec une puis une puissance égale à celle du diamant.
sance extraordinaire. Bientôt il remplaça, en Angleterre, le verre
Le cristal a été préparé, pour la pre blanc pour tous les usages de la gobelet-
mière fois, en Angleterre , vers la fin du terie. Vers 1750, lorsque le célèbre opticien
xvne siècle (1). Dollond faisait ses expériences sur l’achroma
Nous nous arrêterons un instant sur les tisme, le flint-glass à base de plomb était
circonstances qui amenèrent la découverte du d’un usage courant pour le service des tables.
cristal. Depuis cette époque, le cristal est la seule
Le verre avait toujours été fabriqué avec matière employée dans toute l’Angleterre
du bois, comme combustible lorsque, en pour les divers usages de la gobeletterie. Il y a
1635, ou commença, dans certaines verre trente ans seulement que le verre proprement
ries anglaises, à fondre le verre avec de la dit a commencé d’être connu chez nos voi
bouille. On se servait d’abord de creusets sins, et il n’y est pas encore aujourd’hui en
découverts ; mais onne tardapasà les surmon i grande faveur. Le cristal est toujours, chez
ter d’un dôme et le creuset présenta la forme ; eux, la matière nationale, pour ainsi dire.
de celui que nous avons représenté dans les La découverte du cristal fut donc la con
premières pages de cette Notice (fig. 17, séquence de l’usage de la houille dans les
page 35). On s’était aperçu, en effet, que les verreries. Comme ce combustible était sans
vapeurs provenant de la houille coloraient le usage en France et que les verriers ne chauf
verre, et lui donnaient une teinte brune. On faient leurs fours qu’au bois, on continua
évita cette altération en couvrant le creuset. à faire, jusque vers la fin du xvnie siècle,
Mais avec cette forme des creusets, le verre du verre à base de soude. Ce n’est qu’en 1784
fondu était moins chaud, de sorte qu’il fallait qu’un verrier nommé Lambert, monta en
augmenter la quantité de combustible. Pour France, à Saint-Cloud, le premier four à
user moins de houille on força la dosedu fon cristal d’après les procédés anglais, c’est-à-
dant, c’est-à-dire du carbonate de soude. Mais dire en chauffant à la houille le four chargé
de creusets couverts.
(1) Disons néanmoins qu’un miroir du poids de 15 kilo Peu d’années après, la cristallerie de Saint-
grammes, que l’on conserve aujourd’hui dans le trésor de la
cathédrale de Saint-Denis, et qui fut analysé en 1787 par Cloud fut transportée àMontcenis, près d’Au-
Fougeroux de Bondaroy, contient près de la moitié de son tun, où la houille était à meilleur marché.
poids d’oxyde de plomb.
On a appelé ce miroir, miroir de Virgile. Sa date assuré Cette dernière manufacture, qu’on appe
ment n’est pas aussi ancienne, mais il remonte certaine lait Verrerie de la Reine, cessa de travailler
ment à une époque antérieure au xvn' siècle. Cette en 1827.
pièce, si sa date était bien authentique, prouverait que le
procédé de fabrication du cristal avait été connu autre La plus importante usine de cristallerie
fois et s’était perdu pendant une longue suite d’années, de l’Europe se trouve en France : c’est celle
après lesquelles il aurait été réinventé en Angleterre. Mais
il faudrait autre chose qu’un échantillon unique de mi de Baccarat, située dans le département de
roiterie pour établir un fait historique de cette importance. la Meurthe, non loin de Lunéville.