Page 84 - Les merveilles de l'industrie T1
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                 qu’à une seule espèce de verre : celui qui ren­  on obtenait ainsi du verre de moindre qualité
                 ferme du silicate de plomb, et qui doit à ce   etqui était toujours coloré. C’est alorsque vint
                 silicate de plomb un brillant, un éclat, une   l’idée d’employer, au lieu d’un fondant alca­
                 pureté, une transparence, qui n’existent pas   lin, le minium (oxyde de plomb) qui rend in­
                 dans le verre ordinaire. En effet, le silicate   finiment plus fusible le mélange vitrifiable.
                 de plomb préparé avec du sesquioxyde de     Le verre obtenu avec l’oxyde de plomb était
                 plomb (minium) et de la silice pure, est une   parfait. Il était d’un blanc pur, d’un éclat
                 matière très-fusible qui, refroidie, est transpa­  magnifique, et il réfractait la lumière avec
                 rente, et réfracte la lumière avec une puis­  une puissance égale à celle du diamant.
                 sance extraordinaire.                     Bientôt il remplaça, en Angleterre, le verre
                   Le cristal a été préparé, pour la pre­  blanc pour tous les usages de la gobelet-
                 mière fois, en Angleterre , vers la fin du   terie. Vers 1750, lorsque le célèbre opticien
                 xvne siècle (1).                          Dollond faisait ses expériences sur l’achroma­
                   Nous nous arrêterons un instant sur les   tisme, le flint-glass à base de plomb était
                 circonstances qui amenèrent la découverte du   d’un usage courant pour le service des tables.
                 cristal.                                    Depuis cette époque, le cristal est la seule
                   Le verre avait toujours été fabriqué avec   matière employée dans toute l’Angleterre
                 du bois, comme combustible lorsque, en    pour les divers usages de la gobeletterie. Il y a
                 1635, ou commença, dans certaines verre­  trente ans seulement que le verre proprement
                 ries anglaises, à fondre le verre avec de la   dit a commencé d’être connu chez nos voi­
                 bouille. On se servait d’abord de creusets   sins, et il n’y est pas encore aujourd’hui en
                 découverts ; mais onne tardapasà les surmon­ i grande faveur. Le cristal est toujours, chez
                 ter d’un dôme et le creuset présenta la forme  ; eux, la matière nationale, pour ainsi dire.
                 de celui que nous avons représenté dans les   La découverte du cristal fut donc la con­
                 premières pages de cette Notice (fig. 17,   séquence de l’usage de la houille dans les
                 page 35). On s’était aperçu, en effet, que les   verreries. Comme ce combustible était sans
                 vapeurs provenant de la houille coloraient le   usage en France et que les verriers ne chauf­
                 verre, et lui donnaient une teinte brune. On   faient leurs fours qu’au bois, on continua
                 évita cette altération en couvrant le creuset.   à faire, jusque vers la fin du xvnie siècle,
                 Mais avec cette forme des creusets, le verre   du verre à base de soude. Ce n’est qu’en 1784
                 fondu était moins chaud, de sorte qu’il fallait   qu’un verrier nommé Lambert, monta en
                 augmenter la quantité de combustible. Pour   France, à Saint-Cloud, le premier four à
                 user moins de houille on força la dosedu fon­  cristal d’après les procédés anglais, c’est-à-
                 dant, c’est-à-dire du carbonate de soude. Mais  dire en chauffant à la houille le four chargé

                                                           de creusets couverts.
                   (1) Disons néanmoins qu’un miroir du poids de 15 kilo­  Peu d’années après, la cristallerie de Saint-
                 grammes, que l’on conserve aujourd’hui dans le trésor de la
                 cathédrale de Saint-Denis, et qui fut analysé en 1787 par   Cloud fut transportée àMontcenis, près d’Au-
                 Fougeroux de Bondaroy, contient près de la moitié de son   tun, où la houille était à meilleur marché.
                 poids d’oxyde de plomb.
                   On a appelé ce miroir, miroir de Virgile. Sa date assuré­  Cette dernière manufacture, qu’on appe­
                 ment n’est pas aussi ancienne, mais il remonte certaine­  lait Verrerie de la Reine, cessa de travailler
                 ment à une époque antérieure au xvn' siècle. Cette   en 1827.
                 pièce, si sa date était bien authentique, prouverait que le
                 procédé de fabrication du cristal avait été connu autre­  La plus importante usine de cristallerie
                 fois et s’était perdu pendant une longue suite d’années,   de l’Europe se trouve en France : c’est celle
                 après lesquelles il aurait été réinventé en Angleterre. Mais
                 il faudrait autre chose qu’un échantillon unique de mi­  de Baccarat, située dans le département de
                 roiterie pour établir un fait historique de cette importance.   la Meurthe, non loin de Lunéville.
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