Page 75 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                 69

        millimètre au plus. Lorsqu’elle est ainsi   gent, mélangée d’une certaine quantité d’al­
        posée, on recouvre la glace d’une flanelle   cool et d’une huile essentielle. Recouverte
       ou d’un drap qu’on charge de forts poids en   d’une mince couche de cette mixture, la glace
        pierre ou en fer, afin que la pression expulse   est placée sur une table de fonte légèrement
        le mercure surabondant. Après 24 heures de   chauffée. L’action de l’hydrogène et du car­
        pression, l’adhérence du tain au verre est   bone, de l’alcool et de l’huile essentielle, ré­
       opérée.                                    duit l’oxyde d’argent, et le métal se sépare de
          Les glaces étamées sont alors détachées de   la liqueur avec un brillant extraordinaire ;
        la table et transportées avec soin sur des   de plus, l’argent ainsi précipité s’applique
        pupitres inclinés, où elles s’égouttent. Des   sur la surface du verre et y adhère avec force.
        égouttoirs recueillent le mercure en excès   La réaction chimique sur laquelle est fon­
        qui s’écoule. Les pupitres sont relevés peu à   dé le procédé Drayton avait été signalée par
        peu, jusqu’à occuper la position verticale.   M. Liebig. On avait remarqué le degré tout
        Lorsque le tain est sec, on fixe la glace sur   particulier d’adhérence de la couche d’argent
        un parquet, puis on l’encadre.            au verre dans les expériences de laboratoire,
          11 n’est pas rare de voir des glaces enca­  et, de là à l’application industrielle, il n’y avait
        drées se détamer et des globules de mercure   qu’un pas. M. Drayton fit ce pas; c’est pour
       couler derrière la glace. Cette altération pro­  cela que le procédé d’argenture des glaces
        vient d’un étamage auquel on n’a pas donné   porte le nom de procédé Drayton.
        tous les soins désirables.                  Le procédé Drayton ne donna pas, au début,
                                                  des résultats assez satisfaisants pour en déter­
          L’emploi du mercure dans l’opération de   miner l’adoption et faire abandonner l’éta­
        l’étamage constitue un danger permanent.   mage des glaces au mercure. 11 exigeait de
        Personne n’ignore les effets déplorables de   grands perfectionnements. Ces perfectionne­
        ce métal sur la santé des ouvriers. Le mer­  ments furent réalisés, en 1857, par un fabri­
        cure s’évapore dans les ateliers, et remplit   cant français, M. Petitjean.
        l’atmosphère d’une vapeur éminemment dé­    M. Petitjean a substitué à l’huile essentielle
        létère. Malgré la ventilation qu’on pratique   que l’on employait en Angleterre comme
        dans la plupart des fabriques, il n’est pas rare   agent réducteur l’acide tartrique additionné
        qu’un ouvrier soit pris de coliques, de ver­  d’ammoniaque. On obtient avec ce produit
        tiges ; une salivation abondante l’épuise, sa   chimique une précipitation plus régulière de
        mémoire s’émousse, ses membres sont agités   l’argent. Voici comment se fait l’opération.
        d’un tremblement continuel. Il est en proie,   A une dissolution d’azotate d’argent, on
        en un mot, à la maladie connue sous le nom   ajoute de l’ammoniaque et de l’acide tartri­
        significatif d'empoisonnement mercuriel.  que en proportions convenables. Cette li­
          C’est en raison de l’extrême insalubrité de   queur est versée, en une couche de quelques
        ce procédé que l’on a cherché, de nos jours,   millimètres d’épaisseur, sur l’un des côtés
        un autre moyen de douer les glaces de la   de la glace, qui a été nettoyée avec le plus
        propriété de réfléchir les objets. C’est dans ce   grand soin, et posée sur une table de fonte
        but qu’un fabricant anglais, M. Drayton, a   chauffée à 35 degrés par un courant de vapeur
        imaginé, vers 1850, de substituer l’argent au   d’eau qui circule au-dessous. La réduction du
        mercure.                                  sel d’argent commence au bout de 7 à 8 mi­
          Le procédé Drayton consiste à déposer à la   nutes, et, en moins d’un quart d’heure, le dé­
        surface de la glace, préalablement bien net­  pôt est entièrement formé. L’opération est ré­
        toyée, une dissolution étendue d’azotate d’ar­  pétée avec une autre liqueur contenant deux
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