Page 337 - Les merveilles de l'industrie T1
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332                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                       qui concernait la porcelaine. Pendant la  I peints et dorés, forment un contraste agréable avec
                       foire qui se tenait tous les ans devant le   le glacé du fond.
                                                                   « La meilleure collection de ces porcelaines est
                       palais du roi, on dressait une boutique   celle du palais royal à Portici, dont lady Blessington
                       pour la vente des porcelaines, et l’on    fait, dans Idler in Italy, la description graphique
                       portait à Charles 111, chaque matin, la note   suivante :
                                                                   « Un des salons de Portici attira plus particulière-
                       de ce qui avait été vendu, avec le nom des
                                                                  « ment notre attention. Le plafond et les murs sont
                       acheteurs.                                 « couverts de plaques de la plus belle porcelaine de
                         Lorsqu’il fut obligé, en 1759, de quitter   « l’ancienne et célèbre manufacture de Capo di
                                                                  « Monte, dont les échantillons sont aujourd’hui de-
                       Naples, pour aller occuper le trône d’Es­
                                                                  « venus si rares. Ces plaques sont ornées de paysages
                       pagne, Charles III emmena avec lui vingt-   « et de groupes peints d’une manière admirable, et
                       deux ouvriers de la fabrique de Capo di    « encadrées de guirlandes de fleurs de grandeur
                                                                  « naturelle, des couleurs les plus riches et les plus
                       Monte. Avec ce noyau de praticiens, il
                                                                 « variées, en relief, entremêlées d’oiseaux au plu­
                       fonda à Madrid la fabrique de porcelaine   ie mage éclatant, d’écureuils et de singes; le tout en
                       du Buen Retira, dont nous parlerons plus   « porcelaine. Les lustres et les cadres des glaces sont
                       loin.                                      « également en porcelaine. L’effet est singulière-
                                                                  « ment beau. Le parquet de ce salon était autrefois
                         Le roi Ferdinand Ier, qui avait succédé à
                                                                 « recouvert, comme le plafond et les murs, de por-
                       Charles III, comme souverain du royaume    « celaine du même style ; mais on dit que le roi, à
                       des Deux-Siciles, n’avait pas hérité de la   « l’époque où il fut forcé de quitter Naples, avait eu
                                                                  « l’intention d’emporter toutes les décorations de
                       passion de son prédécesseur pour la céra­
                                                                  « ce salon, dont il n’a eu le temps que d’enlever les
                       mique. 11 enleva à la fabrique de Capo di   « plaques qui recouvraient le parquet. »
                       Monte son monopole et rendit libre cette    « Cette rare porcelaine ne se rencontre aujourd’hui
                       industrie dans les États Napolitains. 11 ar­  que dans un très-petit nombre de collections. Feu
                                                                 lady Blessington en avait deux services de tasses
                       riva, dès lors, que les ouvriers de la fabrique   avec soucoupes, lesquels, à la vente des meubles de
                       royale entrèrent dans les fabriques particu­  Gore-House, réalisèrent les prix très-élevés de 18
                       lières, et que celle-ci ne tarda pas à décliner.  guinées la paire. Le pot à crème s’est vendu 26 gui-
                                                                i nées, et un autre pot à crème 20 livres sterling. A
                         La longue série des révolutions qui affli­
                                                                | la vente Bernai : des tasses avec soucoupes de cette
                       gèrent Naples, au commencement de notre  ! même porcelaine se sont vendues de 31 à 36 livres
                       siècle, eurent pour résultat d’affaiblir beau­  sterling la paire ; et un compotier avec couvercle,
                                                                 31 livres sterling. Une petite tabatière de l’ancienne
                       coup la fabrique de Capo di Monte. Elle cessa
                                                                 composition à coquillage s’est vendue 31 livres ster­
                       d’exister en 1821. On voit cependant en­  ling (1). »
                       core dans l’ancien établissement royal, si­
                       tué dans la rue de la Sanita, de précieux   La miniature est le genre particulier qui
                       échantillons de-cette ancienne manufacture  distingue les peintures des porcelaines de
                         M. Marryat dit, en parlant des échan­   Capo di Monte. Quand on regarde les fi­
                       tillons de Capo di Monte, qui existent dans   gures à la loupe, on y distingue le pointillé
                       cette collection :                        des chairs : c’est même là ce qui distingue
                                                                 ces porcelaines de leurs contrefaçons.
                                                                   Les fresques de Pompéi et les peintures
                         « Les services à tiré et à café sont peut-être les
                       plus magnifiques objets en porcelaine qui soient ja­  de Raphaël ont été souvent reproduites sur
                       mais sortis des manufactures européennes, tant pour   les grands vases de Capo di Monte. Cette
                       la transparence et la ténuité de la pête, compara­
                       ble à la coquille d’œuf orientale, que pour les   même manufacture a produit beaucoup
                       formes élégantes des pièces, et le tour gracieux des   d’ouvrages en relief, style rocaille, avec co­
                       anses formées de serpents. Le modelé délicat des   quillages et coraux.
                       groupes et sujets classiques et mythologiques en re­
                       lief qui ornent les parois de ces pièces, est surtout   (1) Histoire des faïences et porcelaines, traduction fran­
                       digne de toute notre admiration. Ces groupes,   çaise, tome II, pages 277-278.
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