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280 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE. POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES. 281
comprendre et de dévoiler leurs secrets. . introduisant ce silex qui devenait blanc par
Toutes ces précautions devaient être inu- ' l’action du feu.
tiles. Un jour, un ouvrier inconnu dans le Astbury en fit l’expérience sans retard. II
pays, et qui avait toutes les apparences de mêla le silex broyé avec du sable et de la
l’idiotisme, tout en étant fort habile de ses terre de pipe, et il obtint ainsi des pâtes
mains, se présenta chez les frères Elers. très-blanches.
L’idiot Astbury fut introduit dans la fabri Par cette découverte la pâte blanche de
que, et bientôt on crut pouvoir se livrer en faïence, c’est-à-dire la faïence fine, était
sa présence à toutes les manipulations. Mais créée. La faïence fine n’est autre chose, en
le prétendu idiot était un homme d’une rare effet, qu’une terre argileuse rendue très-
intelligence et d’une volonté de fer. Pen blanche par son mélange avec de la poudre
dant cinq ans il eut la patience de jouer le de silex.
rôle pénible auquel il s’était condamné.
Enfin il quitta tout à coup l’établissement. Nous voici arrivés à l’époque de Wedg
Un an après on vit s’élever dans le pays wood, le grand céramiste, le Bernard Palissy
une manufacture nouvelle, dans laquelle de l’Angleterre. Mais Wedgwood eut cette
étaient appliqués tous les procédés des frères supériorité sur l’inventeur français des rus
Elers. Astbury avait vendu à plusieurs po tiques jigulines, que loin de faire mystère de
Fig. 211, 212. —Pot à crème et théière en faïence de Wedgwood (ergam colw).
tiers du comté les secrets qu’il avait surpris. ses procédés, il les répandit largement, et
Découragés par cette concurrence inat qu’il enrichit son pays d’une industrie de
tendue et déloyale, les frères Elers quittèrent la plus grande importance sous le rapport de ses occupations. 11 se mit à étudier, il grès-cérame blanc. Peu de temps après il
la contrée. Plus tard, vers 1710, ils s’établi de la masse énorme des produits manufac fut son propre maître et s’adonna surtout ouvrit un troisième établissement, où il
rent de nouveau aux environs de Londres, turés. au dessin d’ornementation. Il se livra en fonda une plus grande usine, qui prit le
et contribuèrent par leurs connaissances Josias Wedgwood était né à Burslem, en suite à des recherches scientifiques qui lui nom de Bell-Works (travaux à la cloche) à
pratiques à fonder la belle manufacture de 1730. Il était le treizième enfant d’un petit permirent bientôt, en mêlant des oxydes cause de la cloche qui était employée pour
porcelaine de Chelsea. potier. D’après l’historien Shaw, presque métalliques à plusieurs espèces de terres, l’appel des ouvriers.
Presque tout, dans les progrès de la céra personne ne savait ni lire ni écrire à Burs d’imiter les agates, les jaspes et autres Les pièces sorties de Bell-Works commen
mique anglaise, semble tenir de la lé lem, en 1710, c’est-à-dire cinquante ans après pierres précieuses. Il fit, avec ces composi cèrent à établir d’une manière solide la ré
gende ou du roman. L’addition de cailloux la naissance de Wedgwood, ce qui permet de tions artificielles, des manches de couteau putation de Wedgwood. C’était une pote
calcinés à la composition ordinaire de la juger de l’état intellectuel de la population qui furent bientôt recherchés par les cou rie couleur de crème (cream-colour) faite avec
pâte, invention importante qui conduisit à de ce comté. Josias prit de bonne heure teliers de Sheffield et de Birmingham. Les un vernis plombifère préalablement fondu
la fabrication des grès fins, est racontée sa place dans l’atelier de son frère aîné. bénéfices qu’il retira de cette petite industrie ou fritté. Les terres les plus blanches
comme il suit dans les ouvrages anglais. A l’âge de onze ans, il y remplissait les lui permirent d’agrandir le cercle de ses des comtés de Devon et de Dorset, mêlées
Thomas Astbury, fils du potier Astbury humbles fonctions d’apprenti. Pour comble opérations. au silex, composaient la pâte de cette po
dont nous venons de parler, voyageait à d’infortune, il fut atteint de la petite vérole, Josiah Wedgwood eut successivement terie.
cheval sur la route de Londres à Dunstable. et cela d’une manière si violente qu’il resta deux associés. Il ne commença à travailler Quelques pièces en cream-colour ayant été
Son cheval fut subitement affecté d’une boiteux. Plus tard, sa maladie s’aggrava seul qu’en 1760, dans une petite manufacture offertes par Wedgwood à la reine, celle-ci
ophthalmie qui le força de s’arrêter dans tellement qu’on fut obligé de lui couper la couverte en chaume, selon l’usage de cette commanda un service de table complet, et
une auberge. Le maître de l’auberge lui jambe, ce qui le força d’abandonner le tour époque. Il y fit surtout du grès, que l’on lui accorda le titre de fournisseur de la
conseilla d’employer, pour le guérir, du cail du potier.
nommait alors écaille de tortue. Ses pièces qui couronne. Toutes les poteries en couleur de
lou calciné. Thomas Astbury remarqua que C’est à ce malheureux événement que représentaient des melonset des choux-fleurs crème furent alors désignées en Angleterre
le caillou, qui était noir avant la calcination, Wedgwood dut sa fortune. S’il avait con eurent surtout un grand succès. Wedg sous le nom de Poteries de la reine.
était devenu blanc par l’action du feu. 11 servé sa jambe, il fût resté simple potier, et wood créa bientôt une deuxième manu La fortune de Wedgwood était désormais
pensa alors que l’on pourrait blanchir par fût devenu tout au plus un artiste distingué. facture, dans laquelle il joignit à la fabri assurée. Par un travail incessant, il s’était
faitement la pâte des poteries rougeâtres en y La perte d’un membre changea la nature cation précédente celle de la poterie de assimilé toutes les connaissances de la chi-
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