Page 284 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES. 279
que à fleur de terre. On avait aussi employé de glaçure le plus économique que l’on
un vernis plonibifère, composé d’un sili puisse imaginer.
cate de plomb vitrifié à la surface. Le vernissage au sel marin eut un succès
C’est dans la fabrique de Burslem que si grand et si rapide, que, vers 1695, on
l’on découvrit, en 1640, la manière de ver comptait à Burslem vingt-deux fours prati
nir des poteries au moyen du sel marin jeté quant cette opération. La vapeur acide qui
dans le four. Cette découverte eut pour s’exhalait des fours pendant la vitrification,
point de départ un simple accident de cui était si forte, qu’elle produisait un nuage,
sine. quelquefois tellement épais, que les passants
Une servante était occupée à faire dis se heurtaient dans les rues.
soudre du sel dans de l’eau, pour saler du John Elers, né en Saxe, descendait d’une
porc. Un visiteur étant survenu, elle aban famille noble de ce pays. Son grand-père,
donna le vase sur le feu. Pendant son ab l’amiral Elers, avait épousé une princesse
sence, l’eau s’étant évaporée entièrement, le de la famille grand-ducale de Saxe, et son
sel se trouva en contact avec le pot. La cha père avait été ambassadeur. John Elers avait
leur fit rougir le pot de terre, et le sel fondit accompagné, en 1690, le prince d’Orange
à la surface de la poterie. en Angleterre, il eut l’idée d’y créer une
Il se trouva, après le refroidissement, que manufacture de poteries, qui acquit promp
le pot était vernissé. tement une grande renommée à cause de la
Palmer, chef d’une fabrique importante perfection et des qualités artistiques qui
de poteries située près de Burslem, ayant été distinguèrent ses produits.
informé de ce fait, fit aussitôt des expé Des échantillons de beaux grès-cérames
riences, et acquit la certitude que le sel rouges du Japon ayant été importés en Eu
marin a la propriété de vernir la poterie rope, les manufacturiers hollandais et an
chauffée au rouge. Ce procédé se propagea glais essayèrent vainement de les imiter,
rapidement et produisit d’abord les belles parce qu'ils n’avaient pas la terre convena
poteries connues sous le nom de crouck war, ble. Les frères Elers (John s’était associé un
(grès à vernis de sel) très-recherchées des de ses frères) furent plus heureux. Le hasard
amateurs. leur avait fait découvrir, près de Bredwell,
Les frères Elers simplifièrent ce procédé. une couche de terre rouge compacte, qu’ils
Ils donnèrent la glaçure en se bornant à travaillèrent dans une petite fabrique. Leurs
jeter, vers la fin de la cuisson, du sel dans produits attirèrent bientôt l’attention : ils
le foyer. Le sel marin se vaporise par la atteignaient, s’ils ne la dépassaient pas, la
chaleur, et vient se condenser sur les parois beauté des grès-cérames du Japon les plus
des poteries, dont il vernit la surface. renommés.
Si l’on veut la théorie chimique de cette Les concurrents des frères Elers ne
curieuse opération, nous dirons que le sel pouvaient se rendre compte des procédés
marin (chlorure de sodium) est décomposé par lesquels on pouvait atteindre de sem
par la silice (acide silicique), et que la soude blables résultats ; mais les deux frères fai
du sel marin forme avec elle un verre trans saient bonne garde : ils écartaient de leur
parent (silicate de soude), lequel constitue le fabrique toutes les personnes qu’ils pou
vernis ou glaçure qui se répand sur la pote vaient soupçonner de chercher à saisir leurs
rie. Dans cette réaction il se dégage de l’a procédés. Ils n’employaient que des ou
cide chlorhydrique provenant de la décom vriers très-ignorants, presque des idiots,
position du sel marin. C’est là le procédé pour qu’ils n’eussent pas l’intelligence de