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274 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
presque toutes cassées ; il en existe pourtant chiffre considérable, surtout celles qui se
quelques-unes intactes, et elles sont payées à faisaient pour l’Angleterre, où l’on appelait
prix d’or par les amateurs. la ville de Delft la mère de la poterie.
Il faut ajouter, d’ailleurs, que, d’après Les premiers potiers de Delft avaient eu
quelques archéologues hollandais, des cru de grandes difficultés à combattre. Ils
ches de cette nature étaient déjà fabri avaient commencé par tirer leurs terres d’Al
quées, à cette époque, dans d’autres localités. lemagne et de Belgique, et ce ne fut qu’a-
Ces kannetjes figuraient dans les grands près de nombreux essais qu’ils découvrirent
repas de corps. Ils étaient placés devant que le sol même de Delft et du pays envi
chaque convive, et ne servaient qu’une fois ; ronnant renferme des argiles excellentes
ce qui explique la multiplicité des débris pour la fabrication céramique.
qu’on a pu en recueillir. Le grand succès des faïences de Hollande
Cette absurde coutume de briser les verres s’explique par plusieurs causes, les unes ar
qui ont servi à boire à la santé d’un souve tistiques, les autres politiques et commer
rain ou d’un chef de corporation, existe en ciales. De grands peintres, les JanSteen, les
core, de nos jours, dans plusieurs pays. Jan van der Meer, les Ter Himpelen, les Jan
Nous donnons (fig. 207), un beau spéci Asselyn, etc., ne dédaignaient pas de déco
men d’une poterie en grès-cérame, de pro rer les faïences de Delft. Ils produisaient ces
venance allemande. C’est une fontaine belles plaques, ordinairement en camaïeu,
ellipsoïde, à col et à anse, d’une hauteur de si recherchées des amateurs. D’un autre
70 centimètres. Elle est de couleur azurée côté, la guerre de l’indépendance contre
et à grands reliefs ; elle appartenait à la l’Espagne, qui eut pour résultat la sépara
collection Sauvageot, et existe, par consé tion de la Hollande et des Pays-Bas, avait
quent, aujourd’hui, au Musée du Louvre. arrêté le développement industriel des éta
Plusieurs localités de l’Allemagne et des blissements céramiques des Flandres, et
Elandres ont produit des grès-cérames re enrichi, au contraire, la Hollande, dont le
marquables. On cite surtout ceux de Ratis- commerce prit une grande extension. En
bonne et de Raireuth. fin, c’étaient les Hollandais qui faisaient
A Bunzlau, en Silésie, il existe un pot exclusivement le commerce avec le Japon ;
qui dépasse en grandeur et en célébrité le et ils tiraient de cette contrée, non-seule
tonneau de Heidelberg. La corporation des ment les porcelaines, qu’ils vendaient à des
potiers dîne chaque année, assise à une prix fabuleux, mais encore d'excellents
grande table ronde, autour de ce colosse de modèles pour leur propre industrie.
la céramique. C’est pour cela qu’en Angleterre on donna
le nom de Delft aux porcelaines que l’on
Nous devons nous arrêter plus longtemps importait du Japon, et que même lorsque
sur les faïences de Delft, ville de la Hol la Grande-Bretagne fut arrivée à produire
lande méridionale. elle-même des faïences fines, ce fut sous le
D’après quelques historiens, on fabriquait nom de Delft qu’elles furent livrées aux
déjà de la faïence à Delft, en 1310, et l’in amateurs.
dustrie céramique y avait acquis une telle M. Demmin donne dans son ouvrage le
importance que, vers le milieu du xviT siè dessin d’une faïence de Delft qui est décorée
cle, on comptait dans cette ville quarante- d’une peinture de Van der Meer. On y voit
trois manufactures de ce genre de pote un groupe de trois joueurs de trictrac, dont
ries. Les exportations avaient atteint un deux sont assis autour d’une table, tan