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210                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                      « Le vernis, qu’on appelle rouge et jaune, ne me ।  qui dessinait et touchait si rapidement ces figures s’y
                     paraît avoir aucune couleur; mais comme il est |  présente dans toute sa force et dans toute sa naïveté :
                    mince et transparent, il exalte et ravive la couleur   c’est ce qui fait le mérite ou au moins l’intérêt de
                     rougeâtre de la pâte.                     ces sortes de peintures.
                      « Le noir,seconde couleur dominante des vases cam- [   « Le noir est mis sur le vernis ou enduit transpa­
                     paniens, peut être aussi considéré quelquefois comme )  rent, et participe plus ou moins du brillant de ce
                     un vernis général placé sur ce premier. Les vases   vernis; le blanc et le rouge mat sont placés sur le
                     campaniens présentent quelques autres applications   noir.
                     de couleurs peu variées et toujours mises en teinte   « Les anciens attachaient un grand prix à ce genre
                     plate. Ces couleurs sont en général opaques, ma­  de peinture, puisqu’ils nous ont transmis le nom de
                     tes, et de la nature des engobes; ce sont :  l’artiste qui l’avait pratiqué le premier. C’est à
                      « Le rouge de brique mat, employé en rehaut et en   Téléphanus de Sicyone qu’on en attribue l’inven­
                     ornement ;                                tion.
                      « Le rouge violâtre mat ;                  « Il est généralement admis que ces poteries sont
                      k Le blanc, employé de la même manière, mais   de la plus haute antiquité, et que parmi elles les
                     plus communément il est d’une nature argileuse,   plus anciennes sont celles dont les ornements et les
                     happant à la langue et devenant translucide par   figures 'sont en noir sur un fond rouge-pâle ; elles
                     l’absorption de l’eau.                    ont une raideur de contour et de pose qui contribue
                       « Il est employé tantôt à faire des ornements   à caractériser cette ancienne époque, qu’on fixe à six
                     blancs, qui sont toujours en saillie, et qui ont ce­  ou sept cents ans avant l’ère chrétienne. Ces vases,
                     pendant beaucoup de fixité, tantôt en fond général ;   d'origine grecque, qu’on netr ouve ni en Toscane, ni
                     il paraît moins solide; il est extrêmement absor­  à Pompeïa, ni à Herculanum, mais qui sont si abon­
                     bant, et quelquefois peint en jaune.      dants dansles environs de Capoue, de Nola, deCumes,
                       « C’est sur ce fond blanc que les anciens ont quel­  et jusqu’aux portes de Naples, étaient déjà rares et
                     quefois placé des peintures de diverses couleurs,   fort recherchés du temps de Jules César.
                     rouge vif, verte, bleue, mais toujours à teinte plate.   « Ce sont en général, ou des vases votifs, ou des
                     Ces couleurs ne sont point de la nature des couleurs   vases reçus en prix, ou enfin des vases d’ornement
                     vitrifiables ; elles n’ont qu’une très-faible adhérence   qu’on enterrait avec celui qui les avait possédés,
                     avec le fond; elles n’appartiennent donc pas à l’art   comme étant une des choses auxquelles il était le
                     dont nous traitons, et je n’en parle ici que pour faire   plus attaché. Aussi est-ce presque uniquement dans
                     apprécier ce qu’on doit entendre par ces vases grecs,   les tombeaux, entre les jambes et tout autour des
                     ornés de sujets et d’ornements richement colorés, et   squelettes, qu’on trouve presque tous ceux qui gar­
                     qui sont mentionnés comme des objets aussi pré­  nissent en si grand nombre les collections de vases
                     cieux que rares.                          antiques, formées dans la plupart des villes de l’Eu­
                       « Néanmoins, on remarque que les contours des   rope où les arts sont cultivés.
                     figures et des grandes parties qui composent ces   « C’est à leur destination religieuse, c’est à la place
                     espèces de tableaux ont été tracés avec une couleur   qu’elle leur a assignée dans des lieux qui les ont mis
                     vitrifiable jaunâtre.                     pendant des siècles à l’abri des dégradations de tous
                       « Quelques uns de ces vases ont offert, mais bien   genres, qu’on doit la belle et abondante conservation
                     rarement, des ornements en or : ce sont en général   de ces poteries, si instructive sous tous les rapports.
                     de petites perles ou de petits épis d’or placés en or­  « Les poteries antiques de Sicile, celles des envi­
                     nements, sur d'autres ornements, ou sur des figu­  rons d’Athènes, d’Égine, etc., peuvent se rapporter
                     res, et qui paraissent avoir eu pour dessous un pied   en général à cette série de fabrication antique.
                     ou collage fait avec un engobe rougeâtre, qui forme   a Poteries étrusques et samiennet. — La seconde
                     une légère saillie. La feuille d’or a été appliquée sur   série de vases antiques qu’on doit rapporter à la
                     cette saillie, qui paraît avoir fait l’office du fondant   classe des poteries dont nous faisons l’histoire, sont
                     de bismuth, avec lequel on fixe l’or sur les cou­  ceux qui font partie des poteries grecques-samiennes.
                     vertes non ramollissables.                Ce sont là les véritables vases étrusques, puisqu’ils
                       « Les figures, qui sont presque toujours en rouge   se trouvent dans toute l’ancienne Etrurie.
                     sur un fond noir, ont été réservées ; on en a tracé   « Ils ont une pâte fine, d’un rouge jaunâtre plus
                     les contours avec du noir, et le fond a été mis au   pur, d’une plus grande densité et d’une plus grande
                     pinceau et rechampi à l’entour des figures. La plus   dureté que celle des vases campaniens ; ils sont,
                     simple attention suffît pour faire voir que les anciens   comme eux, couverts d’un vernis mince qui avive
                     n’ont employé dans le posage des fonds et la pein­  la couleur de la pâte.
                     ture des figures et ornements, ni le procédé du pu-   a 11 y en a aussi à pâte noire, mais ils ne présen­
                     toir, ni celui du grattage, ni celui des types ou ré­  tent presque jamais les peintures d’ornements et de
                     serves découpées. Il y a plus d’incorrections, mais   figures noires et rouges qui caractérisent les vases
                     aussi plus de sentiment ; celui de l’ouvrier artiste   campaniens ; ils sont donc, sauf quelques exceptions
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