Page 59 - La Lecture Expressive
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                      Lecture    26.  Le  combat  de  Tristan  <fl.n)

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                     1.  Nul  ne  vit l'âpre  bataille ;  mais,  par trois  fois,  il  sembla  que
                   la  brise  de  mer portait au  rivage  un cri  furieux.
                     Alors,  en  signe  de  deuil,  les  femmes  battaient  leurs  paumes  en
                   chœur 1,  et  les  compagnons  du  Morholt,  massés  à  l'écart  devant
                   leurs  tentes,  riaient.
                     2.  Enfin, vers le soir, on vit au loin se tendre la voile de pourpre ;
                   la  barque  de  l' Irlandais  se  détacha  de  l'ile,  et  une  clameur  de
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                   détresse  retentit :
                     « Le  l\1orholt ! Le  Morholt ! »
                     l\fais,  comme  la  barque  grandissait,  soudain,  au  sommet  d'une
                   vague, elle montra un chevalier qui se dressait à la proue a ; chacun
                   de ses  poings  tendait une  épée  brandie :  c'était Tristan.
                     Aussitôt, vingt  barques  volèrent  à  sa  rencontre,  et  les  jeunes
                   hommes se  jetaient à la nage.
                     3.  Le preux s'élança sur la grève, et, tandis que les mères à genoux
                   baisaient ses  chausses  de  fer,  il  cria  aux compagnons  du  Morholt :
                     u Seigneurs  d'Irlande,  le  Morholt  a  bien  combattu.  Voyez :
                   mon  épée  est  ébréchée,  un  fragment  de  la  lame  est  resté  enfoncé
                   dans  son  crâne.  Emportez  ce  morceau  d'acier,  seigneurs,  c'est  le
                   tribut de la Cornouailles ! »
                     4.  Alors,  il  monta  vers  Tintagel.  Sur  son  passage,  les  enfants
                   délivrés  agitaient  à  grands  cris  des  branches  vertes,  et  de  riches
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                   courtines  se  tendaient aux fenêtres.
                     Mais quand, parmi les chants d'allégresse  ,  aux bruits des cloches
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                   et des  trompes,  si  retentissants  qu'on n'eût pas ouï  Dieu  tonner,
                   Tristan parvint au château, il  s'affaissa entre les  bras du roi  Marc,
                   et le  sang ruisselait  de  ses  blessures.
                     3.  Avec  grande  tristesse,  les  compagnons  du  Morholt  abor-
                   dèrent en  Irlande.  Naguère, quand il  rentrait au port de Weisefort,
                   le  Morholt se réjouissait à revoir ses  hommes assemblés qui l'accla•
                   maient en foule, et la reine, sa sœur, et sa nièce, •Iseut la  blonde aux
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