Page 57 - La Lecture Expressive
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Lecture 25. Le combat de Tristan (suite)
Il
1. Le Morholt parla pour la troisième fois :
« Eh bien I beaux ileigneurs cornouaillais, tirez vos enfants au
sort, et je les emporterai I Mais je ne croyais pas que ce pays ne rnt
habité que par des serfs. »
2. Alors Tristan s'agenouilla aux pieds du roi Marc et dit :
<< Seigneur roi, s'il vous platt de m'accorder ce don, je ferai la
bataille. »
En vain, le roi Marc voulut l'en détourner. Il était si jeune che-
valier. De quoi lui servirait sa hardiesse ?
Mais Tristan donna son gage au Morholt, et le Morholt le reçut.
- 3. Au jour dit, Tristan se fit armer pour la haute aventure. Il
revêtit le haubert 1 et le heaume d'acier bruni.
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Les barons pleuraient de pitié sur le preux et de honte sur
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eux-mêmes.
<< Ah ! Tristan, se disaient-ils, hardi baron, belle jeunesse, que
n'ai-je, plutôt que toi, entrepris cette bataille ? Ma mort jetterait
un moindre deuil sur cette terre ... »
Les cloches sonnent, et tous, ceux de la baronnie et ceux de la
gent menue', vieillards, enfants et femmes, pleurant et priant,
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escortent Tristan jusqu'au rivage. Ils espéraient encore, car l'espé-
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rance au cœur des hommes vit de chétive pâture •
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4. Tristan monta seul dans une barque et cingla vers l'île
Saint-Samson. Mais le Morholt avait tendu à son mât une voile
de riche pourpre, et, le premier, il aborda dans l'île. Il attachait sa
berque au rivage, quand Tristan, touchant terre à son tour, repoussa
du pied la sienne vers la mer.
cc Vassal , que fais-tu ? dit le Morholt, et pourquoi n'as-tu pas
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retenu comme moi ta barque par une amarre ?
- Vassal, à quoi bon 'l répondit Tristan. L'un de nous deux
reviendra seul vivant d'ici ; une seule bai que ne lui suffit-elle pas ? »