Page 53 - La Lecture Expressive
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Lecture 1 23. Le vieux cheval Charles-Eugène
1. La neige était merveilleusement glissante et fuyait sous les
patins du traîneau ... Le cheval, devinant l'assoupissement! habi-
tuel du maître, ralentit et finit par prendre le pas.
- Marche donc, Charles-Eugène!...
Le père Chapdelaine s'était réveillé et étendàit la main vers le
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fouet dans son geste habituel de menace débonnaire ; mais, quand
le cheval ralentit de nouveau, il s'était déjà rendormi, les mains
ouvertes sur ses genoux et montrant les paumes luisantes de ses
mitaines en cuir de cheval, le menton appuyé sur Io poil épais de
son manteau.
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2. Au bout de deux milles, le chemin escalada une côte abrupte 4
et entra en plein bois ... Maria Chapdelaine ajusta sa pelisse autour
d'elle, cacha ses mains sous la grande robe de carriole en chèvre
grise et ferma à demi les yeux ...
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Le cheval resta le seul être pleinement conscient sur le chemin.
Le traîneau glissait facilement sur la neige dure, frôlant les souche11
qui se dressaient des deux côtés au rll& des ornières ; Charles-
Eugène suivait exactement tous les détours, descendait au grand
trot les courtes côtes et remontait d'un pas lent.
Le bois s'ouvrit de nouveau pour laisser reparaître la rivière.
Le chemin dévala la dernière butte du plateau pour descendre
presque au niveau de la glace ... Charles-Eugène raidit ses jambes de
devant pour ralentir dans la pente et s'arrêta net au bord de la
glace. Le père Chapdelaine ouvrit les yeux.
- Tenez, fit Maria, voilà les « cordeaux 1 ,,
3. Il prit les guides, mais, avant de faire repartir son cheval,
resta immobile quelques secondes, surveillant la surface de la rivière
gelée :
- Marche, Charles-Eugène.
Le cheval flaira la nappe blanche avant de s'y aventurerJ puis
s'~n nlla tout droit...
Lentement,, ils approchP-reul. de la rive ; il ne restait, plu9 que
trente pieds à franchir quand la glace commença ù croquer de
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nouveau et ondula sous les Fieds du cheval.