Page 49 - La Lecture Expressive
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Lecture 21. Le mécanicien et sa machine
1. Jacques, après être allé chez lui remettre ses vêtements de
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travail, s'était rendu tout de suite au Dépôt • Dans le vaste han~
gar fermé, noir de charbon, et que de hautes fenêtres poussiéreuses
éclairaient, parmi les autres machines au repos celle de Jacques
se trouvait déjà en tête d'une voie, destinée à partir la première.
Un chauffeur venait de charger le foyer ; des escarbilles rouges
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tombaient dessous, dans la fosse ...
2. Pendant que le foyer ronflait et que la machine, peu à peu,
entrait en pression, Jacques tournait autour d'elle, l'inspectant 3
dans chacune de ses pièces. Et il ne trouvait rien ; elle était luisante
et propre, d'une de ces propretés gaies qui annoncent les bons soins
tendres d'un mécanicien.
Sans cesse, on le voyait l'essuyer, l'astiquer. A l'arrivée surtout,
de même qu'on bouchonne les bêtes fumantes d'une longue course,
il la frottait vigoureusement ... Il ne la bousculait jamais non plus,
lui gardait une marche régulière ..• Aussi tous deux avaient-ils fait
toujours si bon ménage que, pas une seule fois en quatre années, il
ne s'était plaint d'elle ...
3. Six heures sonnèrent : Jacques et le chauffeur montèrent
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sur le petit pont de tôle qui reliait le tender à la machine ..• Un
tourbillon de vapeur blanche envahit le hangar noir. Puis, obéis-
sant au mécanicien, la machine démarra, sortit du Dépôt, siffia
pour se faire ouvrir la voie.
4. Presque tout de suite elle put s'engager dans le tunnel des
Batignolles. Mais, au pont de l'Europe, il lui fallut attendre ; et il
n'était que l'heure réglementaire lorsque l'aiguilleur l'envoya sur
l'express de six heures trente, auquel deux hommes d'équipe l'atte.
lèrent solidement.
5. Les portières battaient, et Jacques, au signal du conducteur-
chef, siffia. On partit.
Émile ZoLA (Œuvrea, Fasquelle, éditeur).