Page 244 - La Lecture Expressive
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Lecture  1 117. Images de  la  France captive.


          1.  Des  hommes  étrangers  à  nos  manières  d'être  et à  nos  façons
        de  penser  circulaient  dans  nos  campagnes,  bottant  nos  routes,
        blessant les échos des vallées sous les coups de  leurs chants martelés.
          2.  Ils  traquaient  dans  nos  granges  et  dans  nos  pressoirs  les
        garçons  de  culture  pour  en  faire  des  fon <leurs  de  canons  en  de
        lointaines  usines.  Ils  jetaient des  cris  de  colère  quand  ils  voyaient
        quelques arpents de notre sol livrés aux herbes folles et aux lézards:
        ils  disaient  que  la  terre  devait  produire,  produire  et surproduire;
        ils  n'avaient  que  ce  mot de  production à la  bouche,  comme  si  110s
        plaines  et nos  coteaux n'avaient  plus  droit  désormais  aux  boque-
        teaux  de  hasard,  aux  mares  à  grenouilles,  aux  sentiers  en  lacet~
        et  aux  coins  ombragés  des  déjeuners  sur  l'herbe.
          3.  Il  n'y  avait  plus  de  place  en  France  pour  le  sourire  et  pour
        les  libres  propos,  à  peine  pour  la  respiration.  La  vie  était  fragile.
        Les hommes venus du pays de 1'ti.  loi  de violence  n'avaient de  cesst
        qu'ils n'eussent  dépouillé,  déporté ou  mis  à  mort  tout ce  qui  était
       en  armes  devant  eux ;  ils  se  réjouissaient  dans  la  souffrance  des
       autres ...
         4.  Oui,  en  chacun  de  nous  s'animait  la  résistance  nationale  :
        celle  du  preux  Roland  avec  déjà  ses  Ganelon ;  celle  de  Jeann€
        devant ses  juges et dans les  flammes  ; celle de  tout le  long de  notre
        histoire,  de  ceux  qui  ont  dit  non  à  la  défaite,  non  à  la  trahison,
        non  au  désespoir  de  la  patrie  mourante.
                             Maurice  BEDEL  (Les  Lettres  françaises,  1945).

         Les  Idées  :  Page  qu'anime  une  tendresse  ardente  pour  la  France  et  pour
       la  liberté.
         1  et  2.  Pourquoi  • l'occupant  •  disait-il  que  notre  terre  devait  produire ?
       Relevez  des  traits  pleins  d'esprit  et  de  fantaisie,  et  aussi  de  vérité.
         3.  La vie était fragile: un tableau· de l'occupation ; l'âme allemande mise à nu.
         4.  La  résistance:  une  phrase  fortement  charpentée  où  revit  tout  à  la  fols
       la  France de  JllùI•  et celle  d'hier ; la  France  qui, depuis  de  lon~s  siècles, lutte
       et trlom phe_
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