Page 192 - La Lecture Expressive
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            Leoture                  92.  Mélissa


            1.  La nuit s'achève,  et le  soleil  lance  à  travers les  feuillages  ses
          premières  flèches  d'or.  Déjà,  quelques  abeilles  sont  sorties.  Elles
          ont exploré les  alentours et reviennent en  hâte.  La ruche  apprend
          de  bonnes nouvelles. Aujourd'hui fleurissent les  tilleuls qui bordent
          l'étang; le trèfle blanc éclaire l'herbe des prés ; le mélilot et la sauge
          vont s'ouvrir ; les sureaux ruissellent de  pollen.  Vite, il  faut s'orga-
          niser.  Cinq mille  des  plus robustes iront vers les  tilleuls ; trois mille
          des  plus jeunes animeront  les  aubépines ...
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            2.  Aussitôt  des  flots  de  travailleuses sortent  par l'étroite ouver-
          ture ...  Suivons  dans  sa  course  l'une  de  ces  buveuses  de  rosée.
          Bourdonnante et légère, elle s'enivre d'air et de  soleil.
            C'est  Mélissa,  la  blonde,  née  depuis  quinze  jours.  Quand  la  pri-
          mevère  commençait  à  fleurir,  la  reine,  sa  mère,  pondit  dans  une
          étroite cellule de cire blanche un tout petit œuf allongé et courbé. De
          l'œuf sortit une larve qui, bien nourrie de  pollen et de  miel,  grossit,
          se  tissa  un  voile  transparent,  dans  lequel  elle  s'endormit,  puis
          s'éveilla  abeille,
            Mélissa  était  née.
            3.  Sous ses efforts, le couvercle de la cellule se fendit, et elle mon-
          tra  ses  deux  grands  yeux  noirs  et  graves,  surmontés  d'antennes a
          qui  palpaient  déjà ;  en  même  temps,  ses  actives  mâchoires  ache-
          vaient  d'élargir  l'ouverture.  Une  nourrice  accourut,  l'aida  à  sortir
          de prison, la soutint, la brossa, la nettoya, et lui offrit, au bout de  la
          langue,  le  miel  de  sa  nouvelle  vie.
            4.  Sans  perdre un instant, Mélissa  s'est mise  au  travail,  à l'inté-
          rieur de  la ruche.  Maintenant, la voilà  butineuse  affairée.
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            A  toutes  les  fleurs  épanouies,  elle  doit  sa  visite  : les  ajoncs,  les
          noisetiers,  les  tilleuls  surtout  attendent  sa  venue.  C'est  pour  elle
          qu'ils  parfument  ainsi  l'air  autour  d'eux.  D'un  mouvement  vif  et
          gracieux,  elle  plonge  rapidement  dans  les  calices  entr'ouverts ;
          sa  tête  disparaît  une  seconde  et  se  relève  chargée  d'une  grosse
          goutte de  nectar 4,  qui glisse  dans son jabot.

              D'après lltauricP- MAFTERLYNCK (l.a  Vie de.~  A bPil/es,  Fasq11P-IIP-,  Mil.1>11rs),
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