Page 187 - La Lecture Expressive
P. 187

181
    rien dit : elle n'a pas cessé de chanter. Mais elle a changé de voix, et
    elle s'est mise à chanter d'un ton si railleur  que Frédéric en a rougi
    jusqu'aux oreilles. Alors il se fit un grand travail dans sa petite tête.
    II comprit qu'il faut craindre la honte plus encore que le  danger. Et
    il  eut peur d'avoir peur.
      Aussi,  quand,  au  sortir de  l'école,  il  revit le  chien  du  charcutier,
    il  passa  fièrement  devant l'animal  étonné.
                      Anatole  FRANCE  (Nos  enfants,  Hachette,  éditeur).
      Lee  mots  :  1, De frlles  immortelles  : les chansons sont des  immortelles, parce
    qu'elles  vivent à  travers  les  âges ;  elles  sont  fragiles,  délicates,  légères  (Frlle,
    page 177, note 6). 2. Elles volent de lèvre en lèvre  : elles se transmettent aisément
    de la personne qui les répète à la personne qui les apprend (dans la belle expres-
    sion : elles volent,  nous retrouvons cette même idée de légèreté et de déilcatesse
    déjà exprimée  par l'adjectif frtles).  3. Les lèvres  décolorées  : qui ont perdu leur
    couleur  par  l'effet  de  la  mort.  4,  Aigrelette  :  diminutif  d'aigre ;  les  enfants
    chantent d'une  voix  aiguë  et perçante.  5,  Fatalement  :  (fatal,  proprement, qui
    est fixé par lei destin, le sort), inévitablement. 6, 111 ollir  : devenir molles, manquer
    de  force  pour porter le  corps.  7,  Babouines  :  ou  babines,  lèvres  pendantes  du
    chien et de certains autres animaux. 8. Farouche  : qui est encore féroce,  sauvage,
    qui n'a pas été apprivoisé, domestiqué. 9. Chien hargneux  : de mauvaise humeur,
    toujours prêt à  mordre (page  166,  note 1).
      Lee  Idées  :  Tout  un petit  drame  qui se  passe  dans  un cœur  d'enfant,  et que
    l'auteur nous narre en  une page délicieuse el souriante,
      1,  La gaflé  dés  deux  enfants  el  les  vieilles  chansons  de  France  :  les  traits qui
    peignent;  de  l'émotion  et de  la  poésie.
      2.  La peur de  Frédéric.  C'est une blle farouche  (ou plutôt qui semble farouche),
    que Je  chien du  charcutier : quels traits le rendent particulièrement effrayant ?
      3.  Comment Louison s'est moquée de  Frédéric  : représentez-vous le  ton railleur
    de la fillette, Frédéric qui rougit (pourquoi ?), ses réflexions ( que penserait-on  de
    moi si je montrais moins de courage qu'une fille  ?). La dernière phrase : pourquoi
    passe-t-11  fièrement  ?  Pourquoi l'animal est-il étonné ?
   182   183   184   185   186   187   188   189   190   191   192