Page 142 - La Lecture Expressive
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Lecture 68. Boum-Boum
I
l. L'enfant restait étendu, pâle dans son petit lit blanc, et, de
ses yeux agrandis par la fièvre, regardait devant lui, toujours, avec
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la fixité étrange des mourants qui aperçoivent déjà ce que les
vivants ne voient pas.
La mère, au pied du lit, mordant ses doigts pour ne pas crier
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suivait, anxieuse , poignardée de souffrances , les progrès de la
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maladie sur le pauvre visage aminci du petit être ; et le père, un
brave ouvrier, renfonçait dans ses yeux rouges les pleurs qui lui
brûlaient les paupières.
2. Et le jour se levait, clair et doux, un beau matin de juin, entrant
dans l'étroite chambre où se mourait le petit François. II avait
sept ans. II était gai comme un passereau, il n'y avait pas trois
semaines ; mais une fièvr!;) l'avait saisi, et depuis il était là, dans ce
lit de douleur.
Dans son délire, le pauvre enfant disait, en regardant ses petits
souliers bien cirés placés sur une planche :
<< On peut bien les jeter, maintenant, les souliers du petit Fran-
çois ! Petit François ne les mettra plus jamais, jamais ! 11
Alors le père disait, criait: « Veux-tu bien te taire!», et la mère
allait enfoncer sa tête toute pâle dans son oreiller, pour que le petit
François ne l'entendît pas pleurer.
3. Cette nuit-là, l'enfant n'avait pas eu le délire, mais, depuis
deux jours, il inquiétait le médecin par une sorte d'abattement
bizarre, qui ressemblait à de l'abandon, comme si, à sept ans, le
malade eût éprouvé déjà l'ennui de vivre. II était las, silencieux,
triste, ne voulant rien prendre, et, les .yeux hagards ', cherchant,
voyant on ne savait quoi, là-bas, très loin ...
« Là-haut I peut-être », pensait la mère qui frissonnait.
Quand on voulait lui faire prendre une tisane, un sirop, un peu
de bouillon, il refusait.
II refusait tout.
« Veux-tu quelque chose, Françoi1 ?