Page 250 - Histoire de France essentielle
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Lectures. _ 242 PÉRIODE CONTEMPORAINE.
écrasent. Qu’importe! on les voit descendre sur cette terre qui frémit
sous les pieds des chevaux. Ils s’engouffrent dans Morsbronn, ils attei
gnent le vallon, ils se reforment, ils chargent. Décimés, foudroyés, ils
s’élancent encore, et, tandis que l’armée s’éloigne, ils donnent, en se
faisant tuer, le temps aux vaincus d’éviter la mort. (J. Claretie.)
ii4° Lecture. — Traitement des prisonniers français
de Sedan.
Dans un étroit espace, 80 ooo hommes sont entassés comme du bé
tail.... Depuis qu’ils se sont rendus, ces infortunés n’ont pas reçu une
once de viande, et ils n’ont eu pour vivre qu’un dur biscuit pour deux
jours. Parmi les officiers prisonniers, j’avais quelques connaissances et
deux ou trois amis. Ils m’assurèrent, et leur air affamé confirmait leurs
paroles, que littéralement et non au figuré ils mouraient de faim. L’un
d’eux, gentleman de noble naissance et d’un courage reconnu, me
demanda si je pouvais lui procurer un peu de nourriture. Je courus à
ma voiture, j’en rapportai du pain, quelques tranches de viande
froide, avec la moitié d’une volaille. Mon ami, qui, quelques mois au
paravant, n’avait pasdaigné dîner dans un restaurant de second ordre,
dévora ce que je lui offrais, comme un loup affamé, toutefois après
avoir partagé avec son ordonnance.... Quant aux hommes, ils étaient,
si faire se peut, dans un état plus pitoyable encore que les officiers. Ils
avaient été laissés pendant quatre jours dans un champ, exposés à la
pluie. Ils 11e pouvaient changer de vêtements. Ils étaient mouillés
comme s'ils avaient été plongés dans l’eau. Un grand nombre grelot
taient de fièvre, d’autres souffraient de toutes sortes de maladies. Des
centaines d'entre eux pouvaient à peine se tenir debout, tant ils étaient
raidis par les rhumatismes: mais pas un médecin n’avait été appelé
auprès d’eux... La plupart des malades étaient misérablement, aban
donnés. C’était un spectacle lamentable....
Aujourd’hui, je vis quelques milliers de prisonniers français mis en
route pour la Prusse. Les soldats ouvraient la marche, les officiers ve
naient ensuite.... On les faisait marcher par sections comme à la pa
rade, et même quand les officiers restaient un instant en arrière, ils
étaient battus à coups de crosse et poussés aux cris de : « En avant !
en avant! » Affaiblis, malades, se tenant à peine, souffrant de fièvre,
de dysenterie, mouillés jusqu’aux os, perclus de rhumatismes, ces
hommes, officiers et soldats, élaient poussés le long de la route pen
dant 10 milles à un pas rapide....
Je le jure devant Dieu, je ne vis jamais rien de plus inhumain que
le traitement des prisonniers français de Sedan.
(Lettre du correspondant du Daily Telegraph,
citée par J. Claretie, Guerre nationale.')
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