Page 240 - Histoire de France essentielle
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Lectures. — 232 - PÉRIODE CONTEMPORAINE
107'' Lecture. — L'arbitraire sous Napoléon III.
Un régime à moitié militaire, à moitié policier, servi par des tribu
naux zélés, maintint, pendant plusieurs années, l'état de crainte
comme au lendemain du coup d'Etat. — Aucun recours, ni dans la
tribune, ni dans les journaux, ne pouvait contenir l'autorité. —
C'étaient des visites domiciliaires, des arrestations incessantes. — Un
décret rendu au lendemain du coup d'État permettait de transporter
à Cayenne, sans jugement, quiconque avait été condamné pour avoir
fait partie d'une société secrète. — Ce décret fut appliqué pendant
plusieurs années.
Tout était suspect, jusqu’au deuil. On interdisait à la foule de suivre
les convois de républicains morts dans les premières années de l’Em-
pire. Il en fut ainsi pour le grand sculpteur David d'Angers. — La
police désignait les personnes qui avaient le droit d'accompagner le
cercueil, et défendait de dire un dernier adieu au bord de la tombe.—
Ainsi la France traversa une longue période de silence comme elle n’en
avait peut-être jamais vu. Plus de tribune, une presse qui parlait bas,
des écrivains politiques traqués de journal en journal : Victor Hugo,
Quinel, Louis Blanc proscrits, l'enseignement diminué. Voilà un des
caractères de ces premières années. (C. Pelletan.)
108 Lecture. — Guerre de Grimée.
Pendant la guerre de Crimée, les Anglais étaient tout étonnés de
voir nos soldats rire et s'égayer par tous les temps. Celte bonne liu-
meurest retrouvée jusque chez les blessés entassés dans les ambulances.
Un perruquier avait eu la jambe emportée par un boulet. Il venait de
subir l’amputation. « Ai je de la chance, dit-il gaiement à son capi
taine, si aussi bien j’avais perdu un bras, je n’étais plus bon à rien;
tandis qu’avec une jambe de bois j’aurai une bonne pension, j'ouvrirai
une boutique de coiffeur à l'enseigne du Brave Canonnier, et ma for
tune sera faite. » (D’après le général Thoumas.)
Un soir, pendant la guerre de Crimée, deux blessés se trouvèrent
étendus côte à côte sur le champ de bataille ; on n’eut pas le temps de
les relever. L’un était un Français, l’autre un Russe. Ils souffraient cruel
lement; ils essayèrent de se parler, et s’ils ne se comprirent pas beau
coup, ils se témoignèrent du moins cette amitié qui adoucit les maux.
La nuit vint, un des deux s’endormit. Le matin, quand il se réveilla,
il vit sur lui un manteau qu'il ne connaissait pas : il chercha son voi
sin ; celui-ci était mort, et, avant de mourir, avait ôté son manteau
et l’avait étendu sur son compagnon de misère. « Sais-tu quel est celui