Page 567 - Les merveilles de l'industrie T1
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INDUSTRIE DU SEL.
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                                    Fig. 351. — Entrée des mines de Hallein.


         au bord d’un petit lac dont les rives sont garnies  j ne pas voir de mineurs. Le guide vous dit mysté-
         d’une guirlande de flambeaux qui brillent sans  j rieusement d’attendre, et on attend, lorsqu’on ar­
         éclairer. Une barque attend tout équipée le voya­  rive à un troisième et dernier rutsch qui renchérit
         geur qui est annoncé. On s’assied, le plafond du   de rapidité sur les précédents. Une fois au fond, une
         roc étant trop bas pour qu’on puisse ss tenir debout.   chose inquiète, c’est de savoir comment on parvien­
         La barque s’éloigne du rivage, comme poussée par   dra jamais à remonter du côté de la lumière. Mais
         une main surnaturelle, car pas un bruit de rames   un bruit de roues dans le lointain vient distraire.
         ne se fait entendre, pas un souffle de vie ne trouble   Pour cette fois, se dit-on, voici bien les mineurs....
         les ondes silencieuses de ce lac noir comme le   Pas encore : ce n’est qu’un grand wagon dans lequel
         Chaos. Dans cette nuit épaisse les flambeaux ne font   on se place. La machine s’ébranle sur un plan un
         ressortir que les vêtements blancs des visiteurs et   peu incliné, et marche avec une vitesse telle, que
         leurs physionomies rêveuses. On sent que chacun,   lorsqu’on franchit l’un des carrefours que l’on ren­
         aux prises avec une pensée grave, reçoit une étrange   contre à tous les deux ou trois cents mètres, on ne
         impression de cette scène mystérieuse; puis, tout   fait que l’entrevoir comme un éclair, et on s’en­
         à coup, les guides entonnent un de ces mélanco­  fonce de nouveau dans le gouffre. Enfin paraît dans
         liques chants de mineur, qui font rêver toujours et   l’éloignement une faible lumière que les guides font
         pleurer quelquefois. Ces chants, plus beaux dans ces   remarquer, puis, peu à peu, de vagues et indéfi­
         lieux que le silence même, forment le complément   nissables teintes bleuâtres se répandent contre les
         de ce romanesque tableau. L’on dirait un songe, et   parois. On pense que la galerie où travaillent les ou­
         certes il n’est pas besoin de beaucoup d’imagination   vriers est, pour une raison ou pour une autre, éclai­
         pour se croire dans un monde nouveau. Mais le ba­  rée de manière à produire cet effet, et on se réjouit
         teau touche brusquement au rivage; on est de nou­  à la pensée du spectacle qui vous attend. La teinte
         veau sur la terre ferme.                  lumineuse augmente, augmente toujours, jusqu’à ce
           « On recommence de plus belle à marcher dans   que tout à coup elle devienne éblouissante et qu’on
         d’interminables galeries, au bout desquelles on   se trouve lancé dans un monde inconnu où un tor­
         trouve encore un rutsch. Après l’avoir franchi, on   rent de lumière d’un éclat insoutenable vous
         tombe dans un carrefour où l’on vous fait voir plu­  inonde... C’est le soleil! on croit rêver! Longtemps
         sieurs monuments de marbre, dont les inscriptions   l’on doute, l’esprit ne peut saisir le mot de l’énigme,
         constatent que l'empereur et l impératrice d’Autri­  le sens de ce miracle. 11 faut se rappeler qu’on a
         che, accompagnés de l’archevêque de Salzbourg,   beaucoup monté pour arriver aux salines, qu’on est
         ont passé par là.                         entré dans la montagne à son sommet et qu’on en
           Dans ces mines, ce qui surprend le plus, c’est de   sort par la base. Quant aux mineurs, ils travaillent
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