Page 182 - Bouvet Jacques
P. 182

-   171  -
             •  de  largesse  étaient  une  source  d'abus,  qu'il  résulte  du
             •  tableau  de  la  Municipalité  qu'il  existe  dans  cette corn -
             •  mune cent huit chefs de familles  avec enfants, sans pro-
             •  priétés  quelconques,  et  qui  ont  droit  à  un  mandat  de
             •  cinq cents livres  que la nation leur accorde sur les  biens
             •  des  émigrés.
               •  On ne sent que trop la position critique où la commune
             •  se  trouve  relativement  aux  subsistances.  On  ne  peut
             •  attribuer  à  la  malveillance  les  cris  douloureux  dont
             •  quantité de  familles  font  retentir la  salle  de  la  munici-
             «  palité.  »
               •  Le  Conseil  général,  ouï  le  rapport  ci-dessus,  considé-
             •  rant que,  si  l'on  n'obtient pas  une certaine quantité de
             •  blé  pour  alimenter  les  malheureux,  en  en  payant  le
             «  prix,  il  en  résulterait  que  la  position  d'homme  devenu
             «  laborieux  serait  plus  pénible  que  ne  l'était  autrefois
             •  son  état  de  mendiant,  puisqu'il  ne  pourrait  pas,  du
             •  prix  de  son  travail,  se  procurer  un  pain,  qu'il  obtenait
             •  pour  lors  gratis ;
               «  Arrête  de  pétitionner le  représentant  du  peuple  Gau-
             •  thier,  pour  qu'il  autorise  cette  municipalité  à  retirer
             •  provisoirement du  produit des  biens nationaux,  moyen-
             •  nant  payement,  la  quantité  de mille six cents quintaux
             •  de  blé mélangé,  pour être  converti  en  pain,  qui  ne  sera
             •  distribué qu'à ceux qui ne vivent que du jour à  la jour-
             •  née. •
               Cette  pièce  est  intéressante  :  elle  atteste  d'abord  l'af-
             freuse misère qui sévissait alors ; ensuite l'intérêt que l'ad-
             ministration  portait  à  tous  ces  infortunés  et le  zèle  avec
             lequel elle cherchait à  les soulager. Elle constate, d'un au-
             tre  côté,  les  immenses  ressources  que l'indigence  avait  à
             son  secours  avant la  Révolution.  Les  considérants  que le
             rapport expose aboutissent à une conclusion tout autre que
             celle qu'il en déduit. Ils pouvaient être bons à être présentés
             au citoyen Gauthier; c'étaient des arguments ad hominem,
            auxquels  il  est à  présumer que la  Municipalité ne croyait
            pas.  S'il en  était autrement, on ne voit pas  comment elle
             échapperait au reproche  d'inconséquence et d'ingratitude.
   177   178   179   180   181   182   183   184   185   186   187