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YOUGOSLAVE







           LIBÉRA

                                     rai


              A gueire qui s’achève, voit s’achever
               aussi la libération du peuple you­
                goslave, et cette libération, qui a
           L déjà pris figure d’épopée, mérite
           qu’on y insiste, car elle fut l’œuvre d’un
           petit peuple, qui la mena presque unique­
           ment par ses propres moyens, et sut dans
           des conditions effroyables forger son ar­
           mée, en même temps qu’il forgeait son                                                            EXTRAITS DU DISCOURS
           unité _ un petit peuple qui, une fois
           encore se montra grand.                                                                          dumaréchaltito
             Occupée plus tard que la France, la
           Yougoslavie pourtant s’organisa plus tôt.                                                              prononcé
           Les partisans y combattaient déjà, que                                                           le 29 novembre 1943
           le premier maquis n’était pas formé chez
            nous. On peut évoquer certes la vieille                                                         a rassemblée
           tradition de guérilla des peuples yougos­                                                        antifasciste
            laves en lutte depuis des siècles contre
            les Turcs et les seigneurs ; on peut évo­
            quer les facilités que donnent à la gué­
            rilla, lès montagnes bien groupées du
            pays, et en particulier le quadrilatère
            serbe. Mais, ceci n’explique pas tout.       ’ABORD, de petits groupes de partisans,   mies ni d’écoles militaires; d’autre -part,
            Dans la précocité et dans l’ampleur de        presque sans armes, se forment. Ces
            ce sursaut national, il faut voir le      D   petits groupes se constituent, ensuite,   nous ne possédions pas de cadres. Tout a
                                                                                            été créé et formé dans la lutte. Le 1" mai
            sang jeune et hardi d’un peuple encore       en unités plus importantes. Elles prennent
            fruste, qui ne tergiversa p’as à choisir   / des armes à l’ennemi et lui assènent des   1943, le commandement suprême de l’armée
            entre la trahison et le combat — il faut   > coups de plus en plus forts. Elles démon-   et des détachements de partisans institue
            voir aussi que ce peuple, au lieu d’être                                        les grades d’Officiers et de Sous-Officiers.
            étouffé comme le nôtre par une élite tra­  ; trent qu’on ne peut pas les anéantir, malgré   Paysans, ouvriers, étudiants et intellectuels
            ditionnellement bourgeoise, engendra des   ! tous les efforts des armées allemandes,
            chefs populaires qui, éloignés naturelle­  , italiennes et autres, pour écraser le mou-   qui se sont distingués dans la lutte libéra­
            ment des scrupules et des combinaisons,   I vement des partisans dans les différentes   trice deviennent Officiers de l’armée popu­
            employèrent toutes leurs forces à mener                                         laire. Ce sont les meilleurs fils de notre
            leurs hommes vers la victoire et l’unité.   I régions de la Yougoslavie.        peuple que les combattants ont choisis parmi
            Tito en est l’exemple le plus grand.
                                                       Ces groupes se renforcent et se transfor­  eux. Tous les peuples de la Yougoslavie
              C’est le 27 mars 1941 que fut écrasée   ment en automne 1942, suivant la décision   peuvent être fiers de posséder de tels chefs.
            la Yougoslavie: 30.000 morts au bombar­  du commandement suprême, en unités mili-   Il faut souligner en même temps que tous
            dement de Belgrade. Ce fut le signal
            d’une suite d’horreurs qui ne devaient   I taires régulières. L’armée de   la libération  les Officiers de l’ancienne armée yougos­
            plus cesser : massacres, déportations, pil­  yougoslave est créée.              lave qui ont rejoint dès le début nos rangs
            lages, Incendies, ici comme ailleurs, on   C’est alors que commence             occupent une place honorable dans notre
            trouve toutes les traces du sadisme alle­                          la deuxième   nouvelle armée. Leur nombre aurait certai-
            mand. A Kragujevats, un jour, tous les   phase de la guerre : la lutte   pour la libé-  nement été plus élevé si une grande partie
            enfants du lycée, de 8 à 15 ans, sont    ration nationale. Des brigades, des divisions   d’entre eux n’était pas tombée entre les
            exterminés. Là où ne sévissent pas les   et des armées sont formées, des territoires
            Allemands, ce sont leurs complices, les   de plus en plus étendus sont libérés du joug   mains de l’armée allemande et emmenée
             Oustachls. Enfin, les Italiens occupent   de l’ennemi, de ses satellites et valets. De   en captivité en Allemagne, ce qui l’a em­
             aussi le pays, et si leur courage est moin­                                   pêchée de prendre part à la lutte populaire
             dre, leur cruauté est tout aussi impla­  nombreuses villes sont délivrées: Livno,   de libération.
             cable et tout aussi raffinée.           Glamoc, Mrkonjio, Grad, etc.
              Alors, les Yougoslaves se dressent. D’a­  On peut affirmer avec fierté que la créa­  L’organisation de notre armée de libéra­
             bord la Dalmatie : on s’arme, sur les Ita­                                    tion nationale n’est pas terminée. Jusqu’à
             liens, et dès 1941, la 1” Brigade dalmate   tion d’une armée populaire dans des condi­  présent, nous avons formé huit armées, qui
             est créée. La côte, les lies peu à peu   tions semblables à celles où la nôtre a été   possèdent leurs cadres politiques et mili­
             redeviennent libres. Puis c’est le tour de   formée est un exemple unique dans l’His-   taires. L’afflux de nouveaux combattants
             la Macédoine, de la Serbie... Tito, dans   tosre. Les groupes de partisans, sans armes,
             un souterrain bétonné de la forêt de Bi-   sans usines de guerre, sans matériel ni   est chaque jour plus important. De nouvelles
             chopolei, coordonne les efforts et devient   ravitaillement se transforment en une armée   brigades et divisions sont en voie de forma-
             l’âme de la Résistance Nationale.      forte de 250.000 hommes, non pas en temps   tion, de nouvelles armées seront ainsi créées.
              Tito s’appelle en réalité Joseph Broz.                                        Jusqu’au 20 novembre 1943, le recrutement
             Agé de 45 ans, il est originaire de Kla-   de paix, mais en pleine lutte, la plus terrible
             nlets, dans la province de Zagreb. Mo­  et la plus sanglante que notre peuple ait   de notre armée était basé sur le volontariat.
             bilisé en 1914 dans l’armée autrichienne,   jamais menée.                     A partir de cette date, celle de la consti­
             il fut fait prisonnier par les Russes et                                      tution du Comité de libération nationale, la
             libéré par le mouvement révolutionnaire   La création de notre armée a été une   mobilisation générale des hommes de dix-
             de 1917. Il prit alors du service dans  tâche difficile. Nous n’avions pas d’acadé-  huit à cinquante ans a été décrétée.
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