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DIRECTIVES DU COLONEL DESCOUR
L'AGITATION
L y a lieu parfois de s’inquiéter de
l’agitation où nous plonge ac­
tuellement la guerre.
Notre activité découvre un tel
champ d’action, elle est sollicitée tant de
fois et pour des choses si différentes, le
plaisir de créer est si grand, la tête enfin,
devient si folle qu’elle oublie sa destina­
tion première qui est de contempler et de
juger.
En luttant contre le nazisme et contre
l’Allemagne c’est essentiellement contre
cette forme d’activisme forcené aboutissant
au plus cruel esclavage matérialiste que
la France et les Alliés luttent depuis
quatre ans.
Que cela soit visible ou non c’est pour
sauver cependant cette part imprescripti­
ble de liberté qui permet la contemplation
que les hommes se battent et non pour le
pétrole.
Car rien de véritable, rien de durable
ne se fait sans la sagesse qui requiert la
paix contemplative. Nous entendons par
là toute paix ' intérieure qui permet l’ap­
plication de l’esprit à une recherche dé­
sintéressée de la vérité.
Au cœur même de l’action, dans la ba­
taille, la décision juste appartient à celui
qui sait se taire, s’abstenir, faire du si­
lence en lui et découvrir par là l’ordre
précis, dans le calûie, par delà le tumulte
du combat.
Or, toute sa vie, l’homme mène un com­
bat et aujourd’hui plus particulièrement
parce que c’est la guerre
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Prenez-y garde et ne vous laissez pas
entraîner.
Sachez demeurer libres et sauvegardez
cette sagesse dont l’essence est en con­
tradiction fondamentale ou avec l’esprit du
siècle. z
Cependant, si malgré ses horreurs, la
guerre - j’entends la guerre juste - a tant
d’austère beauté c’est qu’elle est l’élan dé­
sintéressé de tout un peuple qui donne ou
est disposé à donner ce qu’il a de plus
précieux, sa vie, pour la défense et la re­
vendication de quelque chose qui ne se pèse
pas, ne se chiffre pas, ne s’accapare pas
= le droit, l’honneur, la paix, la liberté.
Or, l’agitation épuise l’homme en beso­
gnes qui regardent ce qui se pèse, se chif­
fre et s’accapare.
Certes, il y a temps pour tout et l’ordre
doit être mis dans le temporel.
Mais, jamais il ne doit accaparer l’in­
telligence et la détourner de sa fin.
A quoi donc serviraient tant de sacri­
fices s’il fallait demain perdre à nouveau
la seule liberté essentielle, celle qui com­
mande toutes les autres, la liberté habi­
tuelle de l’esprit de chaque personne hu­
maine à l’égard de son temps, des hom­
mes et des choses.
Attachez donc votre cœur à la vérité !
Ne la trahissez jamais, ne vous laissez
ni éblouir par le succès, ni abattre par la
peur, gardez-vous de mettre les ténèbres
à la place de la lumière ou la lumière à
la place des ténèbres ; n’appelez pas bien
ce qui est mal ou mal ce qui est bien.
La sagesse alors vous sera donnée qui
vaut plus que toutes les richesses et per­
met de juger et d’agir à bon escient.