Page 66 - Les mémoires du curé du maquis Des Glières
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62 LES MÉMOIRES DU CURÉ DU MAQUIS
réquisitionné de force le bétail qu'ils tuaient eux-mêmes sur
le plateau... Le buraliste ? ... Jamais à ma connaissance il
n'avait été pillé et ne leur avait donné du tabac ... Les frui-
tières sont plus difficiles à défendre ... Ils m'affirment en effet
qu'elles ont livré du beurre et du fromage au maquis ... Je
leur réponds qu'elles étaient bien obligées de le faire puisque
le maquis était armé et qu'eux les Allemands nous avaient
enlevé toutes nos armes et qu'il n'y avait personne pour
nous défendre ... Ils me dirent alors qu'on a qu'à les appeler
et qu'ils viendront nous défendre ... Je fais l'idiot et je leur
dis que j'étais bien aise de l'apprendre ; qu'ils veuillent
bien me donner leur numéro de téléphone pour les appeler
la prochaine fois ...
Jusque-là tout va bien et je pense m'en sortir facile-
ment ... On me remet dans la cour de l'école et j'en profite
pour m'enfiler aux W.C. et me débarasser de tout ce qui
peut être compromettant dans mon portefeuille ... Ils n'ont
pensé ni à me fouiller ni à perquisitionner à la Cure ...
Au bout d'un moment, je suis introduit à nouveau et
on me presse de nouveau de dire ce que je sais sur Glières et
sur le tabac ... C'est bien simple, je ne sais rien de plus que
ce que je leur ai dit ... Les ravitailleurs sont tous montés à
Glières et à une liste de noms qu'ils me présentent, je ré-
ponds invariablement que je ne les connais pas ou qu'ils
sont à Glières. Ce système de défense est très facile puis-
qu'ils m'affirment qu'ils sont tous tués ... Ils n'ont plus
besoin de les chercher. C'est alors qu'ils m'accusent d'avoir
donné l'ordre de monter du tabac à Glières ... Et, comme je
leur demande où j'aurais pris ce tabac ... Que je n'en étais
pas marchand ... et que je n'étais pas un voleur ... Ils me
disent qu'ils vont me confronter avec celui qui a monté le
tabac et ils me renvoient dans la cour. ..
Cela se corse ; celui qui a monté le tabac Arthur Bal-
lanfat vient d'être arrêté aussi ... J'entends depuis la cour
ses cris et je sens qu'on doit le frapper pour le faire avouer .. .
Un instant l'officier sort pour me demander un notaire .. .
Par la porte j'aperçois Siegel en face d'Arthur ... Je com-
mence à m'inquiéter sérieusement, mais je prends le parti
de nier.