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292                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     cevaient gratuitement, les habitants de Pa­  qui prescrivait la réduction de toutes les
                     ris ne pouvaient jouir de l’eau de la ville   concessions particulières, demeura complè­
                     qu’en la prenant aux fontaines publiques.   tement sans effet ; elle ne fut mise à exécu­
                     Le premier abonnement (1) payant a eu     tion que chez un seul concessionnaire. Au­
                     lieu, comme nous l’avons dit plus haut, en   cune fontaine publique n’existait encore
                     1698. Ce mode de distribution de l’eau ne   sur la rive gauche de la Seine. En 1609,
                     s’était développé que très-lentement dans les   Henri IV avait songé, avons-nous dit plus
                     seizième et dix-septième siècles, il nous a   haut, à rétablir, dans l’intérêt de cette par­
                     paru intéressant d’indiquer son point de dé­  tie de la ville, l’antique conduite des eaux
                     part.                                     d’Arcueil, attribuée à l’empereur Julien, et
                       Après la mort de Henri IV, tous les an­  qui avait été détruite, on le croit du moins,
                     ciens abus, si difficilement réprimés par ce   par les envahisseurs normands dans le cours
                     roi, se renouvelèrent avec plus de force que   du neuvième siècle. Sully faisait rechercher
                     jamais. Dès l’année 1611, on rétablit une   les anciennes sources de cet aqueduc lorsque
                     partie des anciennes concessions qui avaient   la mort du roi vint arrêter ce projet. Ce fut
                     été supprimées par l’édit de Henri IV en   la reine Marie de Médicis qui eut le mérite
                     1608, relatif à la création de la pompe de   de mettre à exécution le projet de la création
                     la Samaritaine. Vainement le bureau de la   d’un aqueduc amenant à Paris les eaux de
                     ville prenait des mesures pour assurer les   la source d’Arcueil. Ce fut au moment où
                     services publics ; ses prescriptions étaient   elle faisait construire le Palais du Luxem­
                     toujours éludées. Une ordonnance de 1616,   bourg que la pensée lui vint de doter Paris
                                                               de ce bienfait public.
                       (I) Le principal obstacle à la généralisation de l’abon­  Un particulier, nommé Jacques Aubrv,1
                     nement était d’abord le faible volume des eaux dont on
                     disposait, mais surtout le mode de distribution. Dans l’ori­  proposa à Marie de Médicis de mettre à exé­
                     gine, les prises d’eau pour les concessions gratuites par   cution le projet conçu par Henri IV, de la
                     pouces et lignes étaient faites sur les conduites mêmes,
                     sans que l’on tînt aucun compte des charges des conduites,   dérivation de la source d’Arcueil. Cette offre
                     et il est probable que pour la plupart l’écoulement était   fut accueillie. Aubry s’engageait à amener,
                     continu. Il n’est pas difficile de comprendre quels abus et   en quatre ans, les eaux des fontaines de Run-
                     dilapidations devaient résulter de ces dispositions.
                       Lorsque l’acqueduc d’Arcueil fut établi, la distribution   ffis, situées près du village d’Arcueil, dans un
                     des nouvelles eaux se fit par la méthode romaine, c’est-   grand réservoir établi entre les portes Saint-
                     à-dire que chaque concessionnaire eut une conduite parti­
                     culière partant d’un château d’eau ou cuvette de distribu­  Jacques et Saint-Michel. 11 demandait pour
                     tion, situé ordinairement dans l’intérieur de la fontaine   cela, 200,000 livres par an pendant six ans,
                     publique la plus voisine.
                       Un édit de Louis XIII, du 2<’> mai 1635, prescrit l’appli­  et le tiers des eaux dérivées ; le second tiers
                     cation de cette mesure aux eaux de Belleville et des Prés-   devait appartenir au roi et à la reine régente,
                     Saint-Gervais : « Nous voulons et ordonnons que, par Au­
                     gustin Guillain, maître des œuvres,... vous ayez à faire   et le dernier être livré au bureau de la
                     promptement travailler, pour réformer toutes les prises   ville, pour en faire la distribution au profit
                     d’eau des fontaines de Belleville et des Prés-Saint-Gervais,   des habitants. L’affaire fut renvoyée au
                     et les réduire par bassinets dans les regards publics,
                     comme est pratiqué aux concessions des fontaines prises   bureau de la ville qui décida, le 6 juil­
                     sur les eaux de Rungis. »                 let 1612, qu’on dresserait un devis des
                       Cette nouvelle méthode, complètement équitable et ri­
                     goureusement exacte, a été mise en pratique jusque dans   travaux. Ce devis fut arrêté le 5 septembre
                     les dernières années; mais, on le conçoit, elle était le plus   suivant.
                     grave obstacle à la distribution à domicile; les rues n’au­
                     raient pas été assez larges pour contenir les conduites par­  Hugues Cosnier, directeur du canal de la
                     ticulières si chaque maison avait été abonnée; d’ailleurs   Loire, offrit d’entreprendre la dérivation
                     les frais énormes qu’exigeait le premier établissement des
                     prises d’eau, devait nécessairement éloigner tous les petits   étudiée par Jacques Aubry. Il demandait
                     abonnés.                                  une somme de 718,000 livres, plus la con-
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