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210                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     tin d’exercer sur ces eaux le droit exclusif   tive, c’est-à-dire à l’usage du peuple et du
                     de propriété dont ils avaient joui jusqu’a­  bourgeois. Mais comment tenir la main à
                     lors : ce droit passa aux rois de France, à   l’exécution de règlements publics au milieu
                     partir de Philippe-Auguste.               des troubles de la Ligue ? Ceux qui avaient
                       Pendant longtemps nos rois disposèrent   usurpé sur le roi de France l’exercice de
                     de ces eaux ; mais, oubliant qu’elles avaient   l’autorité suprême, les hauts barons et sei­
                     été amenées à Paris pour les besoins du peu­  gneurs, usurpèrent aussi à leur profit les
                     ple, ils eurent le tort d’en accorder de larges   eaux publiques de la capitale.
                     concessions aux riches monastères et aux    A la fin du quinzième siècle, les fontaines
                     grands seigneurs de leur entourage. L’abus   publiques de Paris étaient au nombre de
                     devint si grand et les fontaines publiques de­  seize, toutes situées sur la rive droite : douze
                     vinrent si pauvres, qu’on craignit l’abandon   dans l’intérieur de la ville, quatre hors des
                     de divers quartiers de Paris, dans lesquels   murs.
                     l’eau manquait presque complètement.        Pendant toute la durée du quinzième siè­
                       Cette circonstance nécessita l’édit de   cle, le service des eaux éprouva peu d’amé­
                     Charles VI, du 9 octobre 1392, qui révoqua   liorations. Trois nouvelles fontaines publi­
                     toutes les concessions particulières, sauf   ques, celles du Trahoir, de Birague et du
                     celles du Louvre et des hôtels des princes   Palais, furent établies. Cette dernière était
                     du sang (1). L’autorité municipale n’inter­  la seule qui existât dans la Cité; toutes les
                     venait pas encore dans l’administration des   autres étaient sur la rive droite.
                     eaux, qui ne relevait que du roi.           Mais le volume d’eau disponible n’était
                       Les troubles et les guerres des règnes de   pas augmenté pour cela. On se fera une
                     Charles VI et de Charles Vil firent négliger   idée de la pénurie dans laquelle Paris se
                     l’entretien des aqueducs. Celui de Bellevillc   trouvait sous ce rapport, lorsqu’on saura que
                     tombait en ruines lorsque, en 1457, le pré­  le volume d’eau produit par les sources qui
                     vôt des marchands le fit reconstruire sur   alimentaient autrefois les deux aqueducs de
                     96 toises de longueur. C’est sans doute à   Belleville et des Prés-Saint-Gervais, ne dé­
                     partir de cette époque que la ville fut char­  passe pas habituellement aujourd’hui, en
                     gée de l’entretien de ses établissements hy­  automne, 300 mètres cubes par 24 heures;
                     drauliques, et qu’elle acquit sur ces établis­  que dans des années très-sèches, il tombe
                     sements un droit de propriété. Déjà, sous   à 200 mètres cubes et qu’il est même des­
                     Louis XII, le bureau de la ville, composé du   cendu à 164 mètres cubes en 1858, année
                     prévôt des marchands et des échevins, ré­  qui heureusement n’est comparable à au­
                     glait le cours des eaux de Belleville et des   cune autre pour la sécheresse. La quan­
                     Prés-Saint-Gervais.                       tité d’eau que les fontaines publiques ver­
                       C’est aussi de cette époque que datent les   saient, aux quatorzième et quinzième siècles,
                     premiers registres de la ville, qui contien­  aux habitants de Paris, ne dépassait pas celle
                     nent les ordonnances des prévôts et des   qui serait nécessaire aujourd’hui à une pe­
                     échevins sur le régime des eaux publiques.  tite sous-préfecture. En 1553, le nombre
                       Chargée de distribuer et de régler les   des habitants de Paris était de 260,000, et
                     cours d’eau, l’autorité municipale de Paris   le volume d’eau distribué n’était, comme il
                     veilla d’abord avec une certaine fermeté   vient d’être dit, que d’environ 300 mètres
                     pour les conserver à leur destination primi-  cubes par 24 heures, ce qui correspond à
                                                               1 litre environ par habitant. On verra plus
                       (1) Traité de la police, t. IV, p. 381.  I loin que, lorsque les travaux pour la distri­
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