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172                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

                 artésienne, et ce divertissement a long­  encore parfois très-noires pendant le cours dejan.
                 temps amusé la population du quartier San   vier, et ce n’est que deux mois après que leur ré­
                                                           gime reprit son allure normale. M. Lefort, l’ingé­
                 Polo.
                                                           nieur des eaux de la ville à cette époque, n’hésita
                   Il a donc fallu renoncer à la distribution   pas, sinon à attribuer cette intermittence à une
                 de cette eau dans Venise, et s’en tenir aux   secousse de tremblement de terre qui fut ressentie
                                                           à Cherbourg et à Saint-Malo, du moins à signaler
                 citernes et à l’eau de la Seriola.
                                                           comme très-remarquable la coïncidence qui fU|
                   Les eaux des puits artésiens de Grenelle   constatée entre les deux événements.
                 et de Passy, à Paris, ne sont pas consommées   « Les puits artésiens creusés jusqu’à la nappe des
                                                           sables verts sont-ils destinés à durer toujours? L’in­
                 comme eaux potables.
                                                           génieur est-il assez sûr de lui-même pour répon­
                   Les raisons qui ont empêché de faire une   dre de la solidité d’un travail qui s’effectue à 6 ou
                 distribution publique des eaux de Grenelle   700 mètres de profondeur, au milieu d’un sable
                                                          1 fluide, sous les voûtes d'une argile toujours prête
                 et de Passy, ont été exposées comme il suit
                                                           à se gonfler ou à se délayer dans l’autre?...
                 dans un rapport de M. Dumas, au conseil
                                                             « L’eau du puits de Grenelle étant privée d’oxy­
                 municipal de la ville de Paris, à l’époque   gène libre et étant légèrement alcaline, un tubage
                 où il s’agissait de prendre une décision sur   en fer n’en devait, par exemple, éprouver aucun
                                                           effet nuisible, et, au contraire, le fer devait s’y
                 une nouvelle distribution d’eaux potables
                                                           conserver aussi bien que dans l’eau bouillie. Ce­
                 dans la capitale, pour remplacer l’eau de la   pendant des observations précises ont démontré
                 Seine, devenue impure.                    que les puits forés des environs de Tours, qui pui­
                                                           sent dans une nappe analogue à celle où s’alimen­
                   « II serait imprudent, dit le célèbre chimiste, de   tent les puits de Grenelle et de Passy, une eau
                 chercher dans l’emploi des puits artésiens la base  . presque identique avec la leur, ne peuvent pas être
                 exclusive de l’alimentation de la ville de Paris.... 11  j tubés en fer. L’érosion des tubes en tôle s’y effectue
                 est évident que toute secousse imprimée au sol, qui   par l’action lente et mystérieuse d’une matière
                 se transmet sans les modifier à travers les couches   inaperçue, avec une telle régularité, qu’un con­
                 solides, peut devenir, partout où se présente un es­  structeur très-expérimenté, ayant pris l’engagement
                 pace vide, l’occasion de glissements, de ruptures,   de fournir un tube garanti pour dix ans, celui
                 d’éboulements, capables de compromettre pour long­  qu’il a livré s’est trouvé hors de service au bout
                 temps ou d’anéantir pour toujours les ressources   de dix ans et trois mois. Il est rare que les tu­
                 des puits artésiens.                       bages résistent après vingt ans pour les épaisseurs
                   «Après le tremblement de terre du 14 août 1846,   de tôle habituellement employées. Tout objet en
                 M. Pilla constatait près de Lorenzano, en Toscane,   fer, en contact avec les eaux des puits forés de
                 l’apparition de sources formant autant de puits ar­  la Touraine, avant qu’elles aient eu le contact
                 tésiens, dit-il, alignés selon six bandes, dont l’une   de l’air, se détruit tôt ou tard. Ainsi, un puits foré
                 en comptait vingt-quatre. Des nappes d’eaux souter­  peut perdre tout d’un coup son tubage, et, par
                 raines avaient été soudainement mises en commu­  suite, éprouver des accidents qui interrompent son
                 nication avec la surface du sol par la rupture   service, s’il a été tubé en fer et qu’il donne issue
                 brusque des couches de terrain, et par la forma­  à des eaux contenant quelques traces de certains
                 tion des crevasses qui en étaient la conséquence. Si   principes qui existent dans la nappe artésienne des
                 de telles nappes d'eau eussent alimenté des puits   sables verts.
                 artésiens, que seraient devenus ces derniers? On   « Le cuivre paraît résister, au contraire, à leur
                 avait observé les mêmes événements en 1706, sur   action ; mais on n’accepte pas volontiers l’usage des
                 le chemin de Rome à Tivoli, et on pourrait multi­  boissons ou des aliments qui ont séjourné dans
                 plier à l’infini de tels exemples. Paris, il est vrai,   des vases de cuivre. Ce serait une grande respon­
                 est peu sujet aux tremblements de terre ; mais   sabilité pour une administration qui, ayant dirigé
                 quand on institue des services importants, pour un   à travers des iubes en cuivre, même étamés, l’eau
                 long avenir et pour des siècles, il ne faut pas qu’un   destinée à tous les besoins domestiques de la
                 accident, même de ceux qui n’apparaissent qu’à de   ville, serait obligée, par l’impossibilité de la rempla­
                 rares intervalles, puisse les meltre en péril.  cer instantanément, de contraindre ses habitants
                   «Le 16 novembre 1843, les eaux du puits de Gre­  à en continuer l’emploi en temps d’épidémie, jnêrne
                 nelle se troublèrent : des matières argileuses   en présence de ces émotions auxquelles il faut pou­
                 abondanles en sortirent pendant la nuit. Le lende­  voir céder, et qu’il est plus sage de prévenir...
                 main, les eaux étaient claires, mais leur volume   « En résumé, les phénomènes et accidents na­
                 se réduisit peu à peu de moitié. Elles coulaient   turels, tels que les tremblements de terre, qui exer-
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