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                   permanent de leurs eaux est considérable­  entraînant, à la suite des orages et des
                   ment accru dans le lit du Rhône, par la   longues pluies, les marnes et l’argile des
                   fusion des neiges qui se sont accumulées   terrains du Bugey et de la Bresse, mêlées à
                   pendant six mois sur les sommets des mon­  toutes sortes de détritus.
                   tagnes de la Suisse et de la Savoie. Le lac   L’Arve et l’Ain, les deux affluents princi­
                   de Genève lui-même, où se rend, indépen­  paux du Rhône, étant sujets à de grandes
                   damment du fleuve, l’énorme quantité des   variations, le Rhône varie très-souvent dans
                   eaux de neige des Alpes du Chablais,      ses qualités physiques. Quand c’est l’Arve
                   grossit alors d’un mètre et demi à deux   qui domine dans le Rhône, son eau tient
                   mètres, quoique sa superficie ait plus de   en suspension un limon grisâtre, formé
                   trente et une lieues carrées.             d’une immense quantité de débris que cette
                     Ges détails topographiques feront com­  rivière a enlevés aux calcaires schisteux sur
                   prendre l’extrême différence qui existe   lesquels elle passe en descendant des Al­
                   entre le Rhône et d’autres grands cours   pes. Lorsque ■ l’Ain, accru subitement et
                   d’eau, comme la Saône, la Loire, la Seine,   débordé sur ses rives, vient augmenter
                   soit sous le rapport de l’origine, et par con­  le volume du Rhône, c’est une terre argilo-
                   séquent de la nature de l’eau, soit sous le   calcaire qui lui communique sa couleur jau­
                   rapport du volume.                        nâtre.
                     La saison d’été qui provoque la fusion    Le Rhône, à son passage à Lyon, cA donc
                   des glaces dans les Alpes, a pour effet de   très-variable dans son aspect, comme dans
                   grossir les eaux du Rhône. Aussi les eaux   sa composition. En hiver, son eau est claire
                   de ce fleuve ne sont-elles jamais aussi hautes   et presque complètement limpide : elle se
                   qu’au milieu des chaleurs, c’est-à-dire pré­  trouve alors réduite au plus faible volume et
                   cisément à l’époque où les autres rivières   contient plus de sels et de gaz en dissolution
                   baissent considérablement.                que dans l’été. Au printemps, dès que com­
                     A son passage à Genève, le Rhône, après   mence la fusion des neiges dans les Alpes,
                   avoir traversé le lac, conserve la transpa­  l’eau du Rhône augmente de volume et se
                   rence qu’il y a acquise, et on le verrait en   trouble de jour en jour, en même temps
                   tout temps aussi limpide que dans l’hiver   que les proportions des substances salines
                   sans son mélange avec l’Arve, qui s’v jette   et gazeuses y diminuent, parce que l’eau
                   près de Genève. Cette rivière, au cours tor­  provenant de la fusion des neiges alpines
                   rentiel, d’une apparence boueuse et qui   est originairement privée d’air et de prin­
                   roule en été les eaux provenant de la fusion   cipes salins. Cet état se conserve pendant
                   des neiges du mont Blanc et des Alpes sa-   l’été et jusqu’au milieu de l’automne. Aussi
                   voisiennes, lui donne alors la couleur grise   l’eau du Rhône est-elle d’autant plus pure,
                   qu’il présente en passant à Lyon, pendant   chimiquement, qu’elle est plus impure dans
                   six mois de l’année.                      son aspect.
                     Après avoir pénétré en France et dans le   Indépendamment des deux grands chan­
                   trajet qu’il parcourt jusqu’à son confluent   gements amenés par les saisons, le Rhône
                   avec la Saône, le Rhône reçoit un grand   subit, en toute saison, des variations brus­
                   nombre de ruisseaux et une rivière princi­  ques par l’effet de diverses circonstances
                   pale, l’Ain, dont les crues fréquentes    météorologiques, et présente souvent des
                   contribuent, pendant les six autres mois, à   crues extrêmement rapides.
                   détruire sa limpidité d’une autre manière et   L’eau du Rhône, lorsqu'elle est naturelle­
                   par des causes différentes, c’est-à-dire en   ment claire, ou lorsqu’elle a été filtrée, n’a
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