Page 208 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES. 203
« Or tous ces vases ont des caractères historiques où l’on fait de l’étrusque sur commande.
que les antiquaires ont su remarquer. Tel est le
Voici à ce sujet une note que nous em
style et la nature des sujets qui y sont représenté^
et qui sont toujours relatifs à la mythologie, aux pruntons à M. Demmin, et qui mettra les
usages et au costume des anciens Grecs ; telles sont amateurs d’antiquités en garde contre les
les inscriptions grecques placées sur ces vases, et embûches que la cupidité et la fraude ten
qui indiquent par la forme des lettres, les change dent sous leurs pas.
ments arrivés à diverses époques dans l’écriture
grecque, caractères et dispositions qui ne permet « L’ivoire sculpté ancien s’imite partout : presque
tent pas à des hellénistes, d’ailleurs très-instruits, tous les musées en renferment de faux. Tel amateur
d’y reconnaître la langue grecque (1). » de Cologne ne possède pas une seule pièce ancienne
parmi sa collection, qui se compose d’un millier
Brongniart cite à ce sujet une anecdote d’exemplaires, et il ne paraît pas s’en douter. Il y a
assez piquante. La bibliothèque de la ma des marchands, à Paris et en Allemagne, qui ont
nufacture de Sèvres possède trois mémoires gagné leur fortune en vendant des imitations exécu
tées sur commande.
manuscrits sur les vases grecs vulgairement
« Le fer martelé et les anciennes fontes même, se
nommés étrusques, attribués à d’Hancarville. contrefont à Paris, en Italie et en Allemagne. L’au
L’auteur y expose les motifs qui lui font re teur a vu vendre à Paris et ailleurs, à des prix énor
mes, beaucoup d’armures et d'armes dont l’ancien
garder tous les vases peints comme étant de
neté ne remontait pas plus haut que les récoltes de
fabrication grecque et non étrusque, et à ce l’année; elles sortaient en majeure partie des fabri
propos, il raconte ce qui suit : ques de Stuttgard.
« Les meubles et les bois sculptés en général s’imi
« Le chanoine Mazzochi, très-savant helléniste, tent à Cologne et en Belgique, encore mieux à Paris.
prit et donna pour étrusque une inscription d’un On les travaille dans des bois piqués des vers. »
vase de la collection de Mastrillo. D’Hancarville le
fit lire à M. Martorelli qui, sur la foi de Mazzochi. Mais c’est surtout en Italie que la super
commença par nier le fait ; mais en la lui faisant cherie est poussée à ses dernières limi
épeler lettre à lettre, il lui montra qu’il lisait du grec.
Son étonnement fut extrême et, depuis lors, il admit tes. M. Demmin affirme avoir vu vendre à
comme grecs la plupart des vases nommés étrusques.» des Anglais cinq fois la même vierge de
Ce passage doit donner à réfléchir aux faïence, faussement attribuée à Lucca délia
Robia. Immédiatement après la vente, le
amateurs de céramique ancienne. Si les
marchand remplaçait, sur la niche creusée
potiers grecs imitaient déjà les poteries
élrusques, quelle garantie sérieuse peut-on dans le mur, la vierge vendue, par une autre,
trouver contre les contrefaçons modernes, tirée de Bologne. Chaque acheteur se sentait
qui sont exécutées avec tant d’habileté, sur bien convaincu de l’authenticité de cette
tout aujourd’hui que la chimie donne aux faïence ancienne, puisqu’il l’avait achetée
contrefacteurs le moyen d’imiter toutes les sur place et encore fixée dans le mur.
pâtes, en simulant même les défauts qui exis La conclusion de ces remarques c’est que
tent dans les vases les plus anciens? Il n’y les amateurs doivent se défier beaucoup des
a donc qu’une étude sérieuse, des visites assi vases prétendus étrusques.
dues dans les musées et les collections, ainsi
que la comparaison des pièces considérées
comme authentiques, qui puissent donner le CHAPITRE VIII
moyen de contrôler la véritable origine des
QUELQUES VASES SINGULIERS OU EXCEPTIONNELS. — LES
coupes, des vases que l’on vend comme an RHÏTONS ET LES VASES A DEUX TÊTES. —LA GRANDE CÉ
ciens, et qui sortent parfois tout simplement RAMIQUE.
de quelque usine d’Allemagne ou d’Italie
Pour terminer cette longue revue des pro
'1) Traité des arts céram ques, 2e édition. Paris, in-8°,
ISji, t. I, p. 518. ductions céram iques de la Grèce, nous si