Page 98 - La Lecture Expressive
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Leoture 1 15. Le Villageois et le Serpent
1. 8sope conte qu'un manant 2,
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Charitable autant que peu sage,
Un jour d'hiver se promenant
A l'entour de son héritage,
Aperçut un serpent sur la neige étendu,
Transi , gelé, perclus, immobile, rendu,
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N'ayant pas à vivre un quart d'heure.
2. Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure.
Et, sans considérer quel sera le loyer '
D'une action de ce mérite,
II l'étend le long du foyer,
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Le réchauffe, le ressuscite •
3. L'animal engourdi sent â. peine le chaud
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Que l'âme lui revient avecque la colère.
U lève un peu la tête, et puis siffie aussitôt,
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père.
4. << Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire !
Tu mourras. )) A ces mots, plein d'un juste courroux •,
Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête,
Il fait trois serpents de deux coups,
Un tronçon, la queue et la tête.
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L'insecte , sautillant, cherche à se réunir;
Mais il ne put y parvenir.
Il est. bon d'être charitable :
Mais envers qui ? C'est là le point.
Quant aux ingrats, il n'en est. point
Qui ne meure enfin misérable.
LA FONTAINE.
LH mots = 1, ~,ope: fabuliste grec que La Fontaine Imite en le dépassant.
2. Manant: proprement homme du peuple attaché à la terre et qui demeure
au lieu natal sans pouvoir le quitter; paysan. (Même idée de demeure dans maison,
manoir, ménage, déménager, permanent.) 3. Transi: pénétré et engourdi par