Page 67 - La Lecture Expressive
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                     Lecture              30. Le  tapis  <sutte)

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                     1.  Quelque  temps  après,  le  prince  fut  informé  qu'à  tel  endroit,
                   près  d'un  vieux  pont,  il  y  avait  une  auberge  où  l'on  faisait  une
                   cuisine  plus  exquise  que  partout  ailleur!'!.  Comme  il  était  fort
                   curieux, il  décida  d'y aller voir par lui-même.  Il  se  déguisa  en mar-
                   chand et se  rendit à  cette auberge.
                     cc  Servez-moi,  dit-il,  ce  que vous  avez  de  meilleur.  »
                     2.  On lui apporta un plateau garni de toutes sortes de victuailles  1
                   et on le  posa  devant lui.  Il  resta  seul  en  face  de  son  diner.  Tandis
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                   qu'il  dégustait  ,  non  sans  quelque  surprise,  les  mets  fort  délicats
                   préparés  dans  cette  auberge  d'apparence  commune,  il  s'aperçut
                   tout  à  coup  qu'il  commençait  à  descendre.  Le  diner,  la  table,  le
                   plancher, tout s'enfonçait avec lui.  Enfin, il  se  trouva dans un pro-
                   fond  cachot,  à  peine éclairé.  Là, quatre ou  cinq bandits se  jetèrent
                   sur lui,  prêts à  l'égorger avec  leurs  poignads.
                     3.  Il  ne  perdit pas  sa  présence  d'esprit.
                     cc  Si vous me tuez, dit-il, de quel profit cela vous sera-t-il  ? Prenez
                   ce que j'ai d'or sur moi et gardez-moi ici. Je suis marchand de tapis ;
                   avant  d'en faire  le  commerce,  j'ai appris  à en tisser moi-même, et
                   si  vous  me  donnez  de  quoi  travailler  dans  cette  cave,  vous  vous
                   ferez  de  jolis  bénéfices  en  vendant  mon  ouvrage.  »
                     Ils  y  consentirent.  On  lui  procura  le  nécessaire,  et il  resta  dans
                   ce  cachot, travaillant sans relâche.
                     Il dut ainsi la vie à son  métier.
                    4.  Cependant,  le  prince  n'étant  pas  rentré  au  palais,  sa  jeune
                   femme  en fut cruellement  inquiète. Le sultan s'émut à  son  tour,  et
                   il  envoya des  hommes à la  recherche  de son  fils.
                     Nulle part on ne trouva le  prince, eton n'obtint aucune nouvelle
                   de lui. Le sultan, sa bru, toute la cour,  bientôt tout le  peuple furent
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                   dans  une  profonde  désolation  •
                    5.  Dans sa prison, le jeune priuce, la tête penchée sur son ouvrage,
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                   ne perdit pas  un instant. Son  labeur obstiné  le sauva du désespoir
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