Page 39 - La Lecture Expressive
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                  Lecture         16. Le  pêcheur  en  mer

               Il s'en va dans l'abime et s'en va dans la  nuit.
               Dur labeur! Tout est noir, tout est froid  ; rien ne  luit.
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               Dans  les  brisants 1,  parmi  les  lames  en  démence  ,
               L'endroit bon  à la pêche, et, sur la mer immense,
               Le  lieu  mobile,  obscur, capricieux,  changeant,
               Où  se  plait le  poisson aux nageoires  d'argent,
               Ce  n'est  qu'un  point ;  c'est  grand  deux  fois  comme  la  chambre
               Or, la nuit,  dans l'ondée et la  brume, en décembre,
               Pour rencontrer ce  point sur le  désert mouvant,
               Comme il  faut calculer la marée et le  vent!
               Comme  il  faut combiner sûrement les  manœuvres !
               Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ;
               Le  goufîre  roule  et tord ses  plis  démesurés,
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               Et tait râler d'horreur les  agrès effarés  •
               Lui songe  à sa  Jeannie au sein  des  mers glacées,
               Et  Jeannie  en  pleurant  l'appelle ;  et  leurs  pensées
               Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du cœur.

                                               Victor  Huoo
                               (La  Légende  des  Siècles;  Les  Pauvres  Gens,  fragment).


                 Les mots  : 1, Les brisants: propreir.cnt écueils qui brisent la lame ; rochers à
               fleur d'eau. 2. Les lames en démence: les vagues aux moo.vements furieux comme
               ceux  d'un fou.  3.  I,es  agrès  eflarés:  les  cordages  et les  voiles,  comme  feraient
               des  hommes,  gémissent  d'épouvante et d'horreur (horreur:  dégoilt violent qui
               fait se  dresser  les  cheveux).
                 Les  Idées  :  Un  tableau  émouvant  de  la  vie rude du  plcheur:  1, Voyez-le  qui
               s'en va  (un vers qui s'allonge ... ),  puis le  2• vers, coupé d'arrêts, où chaque mot
                évoque un effort pénible.
                 2, Voyez-le qui cherche l'endroit bon à la ptche: les difficultés de cette recherche
               (les  épithètes s'accumulent), l'habileté  du  plcheur (il lui  faut  calculer ... ,  combi-
                ner ... ),  son sang-froid  (voyez les  flots  q.ul  glissent, vertes couleuvres  : c'est une
               image qui peint ; le goulire roule et tord ... : relisez ces deux vers, dont les syllabes
               peignent par ieurs sonorités : les  r).
                 3. Représentez-vous enfin  ces deux pensées tendres el  aflectueuses - le  pêcheur
                et sa femme - qui se croisent dans la nuit, comme feraient deux oiseaux chargés
                chacun  d'un message.
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