Page 43 - La Lecture Expressive
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                   Lecture   18. Le  capitaine du  " Normandy "

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                   1.  Dans la nuit du 17  mars 1870, le  capitaine Harvey faisait son
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                 trajet  habituel  de  Southampton  à  Guernesey  •  Une  brume  cou-
                 vrait  la  mer.  Le  capitaine  était  debout  sur  la  passerelle  du  stea-
                 mer  et manœuvrait avec précaution à cause de la nuit et du brouil-
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                 lard.  Les  passagers  dormaient.
                   Le Normandy  était un  grand  navire,  le  plus  beau  peut-être  des
                 bateaux-poste de la  Manche :  500  tonneaux,  220  pieds  anglais  de
                 long, 25  de  large;  il  était  cc  jeune »,  comme  disent  les  marins,  il
                 n'avait pas sept ans.
                   Le  brouillard  s'épaississait ;  on  était sorti  de  la  rivière  de  Sou-
                 thampton, on était en  pleine  mer.  II  était quatre heures du  matin.
                   L'obscurité  était absolue,  une  sorte  de  plafond  bas  enveloppait
                 ie  steamer, on distinguait à  peine  la  pointe des  mâts.
                   2.  Tout à  coup,  dans  la  brume,  une  noirceur surgit...
                   C'était  la  Mary,  grand  steamer  à  hélice,  venant  d'Odessa,
                 avec  un  chargement  de  500  tonnes  de  blé,  vitesse  énorme,  poids
                 immense.  La  Mary  courait  droit  sur  le  Normandy.
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                   Nul  moyen  d'éviter  l'abordage,  tant  ces  spectres  de  navires
                 dans le  brouillard se  dressent vite.
                   Avant qu'on ait achevé  de  les  voir,  on est mort.
                   3.  La  Mary,  lancée  à toute vapeur,  prit le  Normandy  par le tra-
                 vers  et l'éventra.
                   Du choc,  elle-même,  avariée 4,  s'arrêta.
                   Il  y  avait  sur  le  Normandy  vingt-huit  hommes  d'équipage,
                 une femme de service, et trente et un passagers, dont douze femmes.
                   La  secousse  fut  effroyable.  En  un  instant,  tous  furent  sur  le
                 pont :  hommes,  femmes,  enfants,  demi-nus,  courant,  criant,  pleu-
                 rant.  L'eau  entrait,  furieuse.
                   Le  navire  n'avait  pas  de  cloisons  étanches  6   ;  les  ceintures  de
                 sauvetage  manquaient.
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