Page 273 - La Lecture Expressive
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        Lecture               132.  La  grêle

        1.  . ..  Le vent souffiait en furie~ les balles obliques sabraient tout,
      s'amassaient, couvraient le sol d'une couche blanche.
        cc  La  grêle, mon  Dieu!  Ah! quel  malheur I Voyez  donc I De vrais
      œufs de  poule ... »
        La violence  de  l'ouragan augmentait encore. Toutes les vitres de
      la fenêtre  furent brisées ; et la force acquise était telle qu'un grêlon
      alla casser une cruche ...
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       2.  C'était fini.  On entendit le  galop  du désastre  s'éloigner rapi-
      dement,  et un silence de sépulcre  tomba. Le ciel  derrière la nuée
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      était devenu d'un noir d'encre.  Une pluie fine, serrée, ruisselait sans
      bruit. On ne distinguait plus sur le sol que la couche épaisse des grêlons,
      une  nappe  éblouissante  qui  avait  comme  une  lumière  propre,  la
      pâleur de  millions de  veilleuses,  à l'infini.
        Le  village  s'étoilait  de  points  lumineux.  Sans  doute  le  coup  de
      grêle avait réveillé les paysans ; chacun était pris de la même impa-
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      tience d'aller voir son champ, trop anxieux  pour attendre le jour.
      Aussi  les  lanternes sortaient-elles une à  une,  se  multipliaient,  cou-
      raient et dansaient.
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        3.  Ah ! quel ravage désolait  ce coin de terre I Quelle lamentation  6
      montait  du  désastre  entrevu  aux  lueurs  vacillantes  des  lanternes 1
      Lise  et Françoise  promenaient la  leur,  si  trempée  de  pluie  que  les
      vitres éclairaient à peine ; et elles l'approchaient des planches, el!es
      distinguaient  confusément  ,  dans  le  cercle  étroit  de  lumière,  les
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      haricots et les pois rasés au pied, les salades tranchées, hachées, sans
      qu'on  p0t  songer  seulement  à  en  utiliser  les  feuilles.  Mais
      les  arbres surtout avaient soufie:'t :  les  menues  branches,  les  fruits
      en étaient coupés comme avec des couteaux; les troncs eux-mêmes,
      meurtris,  perdaient leur sève par les trous de  l'écorce.
        4.  Et plus loin,  dans les  vignes,  les  ceps  semblaient fauchés,  les
      grappes  en  fleur  jonchaient  le  sol  avec  des  débris  de  bois  et  de
      pampres ; non seulement  la  récolte  de  l'année  était  perdue,  mais
      les souches dépouillées allaient végéter  et mourir. Personne ne sen-
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