Page 223 - La Lecture Expressive
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107. La _pluie
Lecture
Il pleut. J'entends le bruit égal des eaux ;
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Le feuillage, humble 2, et que nul vent ne berce,
Se penche eL brille en pleurant sous l'averse.
Le deuil de l'air affiige les oiseaux.
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La bourbe monte et trouble la fontaine,
Et le sentier montre à nu ses cailloux.
Le sable fume, embaume, et devient roux ;
L'onde à grands flots le sillonne et l'entraîne.
Tout l'horizon n'est qu'un blême rideau ;
La vitre tinte et ruisselle de gouttes
Sur le pavé sonore et bleu des routes
Il saute et luit des étincelles d'eau.
Le long d'un mur, un chien morne à leur piste t,
Trottent mouillés de grands bœufs en retard ;
La terre est boue et le ciel est brouillard,
L'homme s'ennuie. Oh! que la pluie e!Jt triste 1
SULLY PRUDHOMME (Poésies, Lemerre, éditeur}.
Les mots : 1. Égal : semblable, le même (pour l'oreille), donc régulier.
2. Humble : proprement, courbé vers la terre (rapprocher humus, humilier : voir
page 171, note 3); le feuillage se penche sous l'averse. 3, Bourbe : amas de boue
noire (rapprocher bourbier). 4, A leur piste: la piste est la trace laissée par les
pieds d'un être qui marche ; à leur piste : à leur suite, sur la trace même de
leurs pas.
Les ldêes : Le poète décrit la pluie triste, monotone et ennuyeuse. Tous les
traits d,é ce tableau - couleurs, bruits, ainsi que le rythme même du poème et
le choix des mots aux syllabes sourdes, - renforcent cette impression générale
de tristesse et d'ennui. Écoutez • le bruit égal des eaux•; voyez le • feuil/ace
humble•, qui • pleure sous l'averse», puis le • deuil de l'air•• le • bteme rideau a
que forme l'horizon, enfin le chien triste, les bœufs mouillés.
Cette lassitude des €ires et des choses est bien rendue par les deux derniers vers,
qui résument la poésie.