Page 212 - La Lecture Expressive
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        Lecture  l    102.  Un  avion  dans  la  nuit.


      t   Anxieusement, des  « résistants  » attendent l'avion allié qui doit "parachu-
      !  ter • des  armes.  La scène  se  passe  en  1944.
        1.  Minuit,  minuit  et  demi,  une  heure,  une  heure  et  demie.
      On  attend,  on attend,  personne ...
        C'est  alors  qu'on  entendit  le  ronron.  Tout  le  monde,  debout 1
       « Lumière ! cria  le  docteur.  Les  porteurs  de  torches,  aux quatre
     coins  du  champ,  doivent  envoyer  au  ciel  un  faisceau  lumineux.
      Mais il n'y en a que trois ! Où est le quatrième, où est le quatrième ?
       « Albert !  hurla  le  docteur  d'une  voix  énorme,  sans  respect  ni
     pour le  silence nocturne, ni pour la conspiration. Albert ! allume ! »
       Le  ronron  devient  plus  sonore,  on  dirait  un  train  qui  monte
     sur un pont.  L'avion,  un seul,  tourne  autour du champ.  Il y  a  là,
     en bas,  quelqu'un  qui  le  guide  avec  un appareil  mystérieux.
       2.  Et le  miracle va s'accomplir: parti d'Alger, dans une obscurité
     illimitée,  l'avion  va  livrer  sur  ce  champ,  sur  ce  point  minuscule
      de  France,  de  quoi  nous  défendre  et de  quoi  attaquer ...  Le  savoir
     miraculeux  des  hommes !  L'ombre  grondante  de  l'avion  plane
      au-dessus du champ muet, obscur.  Il y a dans le ciel passionnément
     surveillé  une  pâle  voie  lactée  et  de  grosses  étoiles  brillantes.  Et
     là-dedans  apparaissent,  brusquement,  des  taches  noires ; on dirait
     les  mouches  qui  flottent  devant  vos  yeux.
        3.  L'avion est déjà  loin,  il  est oublié,  et les  objets  flottent  tou-
      jours,  de  plus  en  plus  bas,  de  plus  en  plus  près.  Ils  arrivent  au-
      dessus  des  têtes,  ils  vont  écraser  ces  têtes !  Les  habitués  savent
      qu'on peut se trouver à  n'importe quel endroit du champ, on aura
                                             1
      toujours  l'impression  que  les  « containers »  viennent  droit  sur
     vous  et vont vous  tomber sur la  tête ! Silencieux et lents  comme
      des  chats noirs,  les  objets dépassent les  têtes et disparaissent  dans
      la  nuit.
        4.  Maintenant,  il  s'agit  de  les  trouver.  Le  blé  lacté  fouette  fes
      jambes  qui  courent,  des  pierres  roulent,  des  caniveaux  dérobent
      la  terre  sous  les  pieds,  des  herbes  hautes,  des  lianes  solides  font
      des  crocs-en-jambe ...  Une  haie  d'arbres  en  velours  noir  indique
      la  limite  du  champ.  Courir  de-ci,  courir  de-là,  jusqu'à  ce  qu'une
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